Un engin volant a été abattu samedi au-dessus du Yukon, sur l’ordre du premier ministre, Justin Trudeau. Il s’agit du troisième appareil non identifié détruit dans l’espace aérien nord-américain en une semaine.

Détecté par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), l’engin volait à haute altitude au-dessus du territoire canadien.

Depuis une semaine, trois aéronefs ont été abattus dans l’espace aérien nord-américain, une série d’incidents exceptionnelle difficile à expliquer, selon des experts.

« J’ai ordonné que soit ramené au sol un objet non identifié qui violait l’espace aérien canadien. Le [NORAD] a abattu l’objet au-dessus du Yukon », a déclaré Justin Trudeau sur Twitter.

Plus tôt, il s’était entretenu avec le président américain Joe Biden au sujet de l’objet qui a été abattu par un avion de chasse américain et dont les débris seront récupérés afin d’être analysés.

Par surcroît de prudence et sur la recommandation de leurs armées, le président Biden et le premier ministre Trudeau ont autorisé l’abattage de l’objet.

La Maison-Blanche, dans un communiqué

Aucun détail sur l’appareil, par exemple ses capacités, sa fonction ou son origine, n’a été communiqué, mais d’après des sources du réseau Global News, qui a le premier rapporté la nouvelle, il pourrait s’agir d’un ballon espion.

En conférence de presse samedi soir, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a précisé que l’objet « cylindrique » volait à une altitude de 40 000 pieds et « constituait une menace raisonnable pour la sécurité des vols civils ».

Une série d’incidents exceptionnelle

Il s’agit du deuxième objet volant abattu dans l’espace aérien nord-américain en moins de 24 heures. Vendredi, les États-Unis avaient détruit un appareil non identifié au-dessus de l’Alaska, près de la frontière du Canada. De la taille d’une « petite voiture », l’engin volait à une altitude d’environ 12 000 mètres et posait « une menace pour la sécurité du trafic aérien », avait déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche.

PHOTO CHAD FISH, ASSOCIATED PRESS

Le premier ballon chinois, repéré la semaine dernière dans l’espace aérien canadien et américain, et abattu par Washington samedi dernier

Les activités de recherche et de récupération se poursuivent près de Deadhorse, mais les conditions météorologiques difficiles, notamment le vent et la neige, compliquent les opérations, a annoncé samedi le NORAD.

Selon le directeur du Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec, Stéphane Roussel, ce qui se passe depuis une semaine est exceptionnel. « C’est troublant. Ce n’est plus un incident isolé », note celui qui est aussi professeur titulaire de l’École nationale d’administration publique.

Rappelons qu’un premier ballon chinois avait été abattu le 4 février dernier par Washington au large de la côte atlantique. Selon le Pentagone, l’engin avait survolé des sites militaires névralgiques. De son côté, Pékin a assuré avoir utilisé l’aéronef « à des fins de recherches, principalement météorologiques », mais selon des images capturées par des avions militaires américains, le ballon était bien équipé d’outils d’espionnage. Cet accrochage diplomatique avait conduit le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken à reporter une rare visite en Chine.

Les derniers aéronefs abattus étaient-ils eux aussi des ballons espions chinois ? C’est fort possible, même s’il est trop tôt pour l’affirmer avec certitude, croit M. Roussel. « On s’en doute, parce que le premier ballon était chinois, et que la Chine a reconnu qu’il était le sien », explique-t-il.

Motifs

Mais pourquoi la Chine se serait-elle soudainement mise à envoyer des ballons vers le Canada et les États-Unis ? Il est plus difficile de répondre à cette question.

« A-t-elle une motivation politique ? Se prépare-t-elle à une forme d’action contre Taiwan ? Pourquoi maintenant ? Que cherche-t-elle à faire ? C’est tout aussi troublant », estime le professeur au département de science politique de l’Université de Calgary Robert Huebert, qui rappelle que des ballons ont déjà survolé les États-Unis par le passé, d’après des responsables américains.

D’un point de vue stratégique, les engins pourraient servir à tester le système de détection du NORAD. L’organisation a été créée pendant la guerre froide, afin que les forces aériennes canadiennes et américaines, qui craignaient une attaque soviétique, partagent un commandement conjoint, rappelle M. Huebert. Sa principale mission : détecter et intercepter toute menace aérienne contre le Canada et les États-Unis.

[Le NORAD] était et reste un élément majeur de la défense nucléaire pour l’Amérique du Nord. Vous ne voulez pas que vos ennemis connaissent vos capacités.

Robert Huebert, professeur au département de science politique de l’Université de Calgary

« Est-ce qu’il s’agit de provocation ? Veut-on tester la réaction du NORAD ? Faire allumer des radars ? Je ne sais pas », se demande à son tour Stéphane Roussel.

La technologie choisie un ballon-sonde est aussi étonnante, note-t-il. L’engin, qui sert généralement à recueillir des mesures dans l’atmosphère, « n’est pas considéré comme une menace ».

« Il semble que, et une fois de plus, nous devons être prudents quant à ce que nous affirmons, les Chinois ont compris que c’est un moyen de recueillir des renseignements sur les États-Unis. Aujourd’hui, les Chinois ont des satellites qui leur fournissent des renseignements. Est-ce que les ballons-sondes leur fournissent quelque chose d’autre qu’ils recherchent ? », avance M. Huebert.