(Montréal) Des entreprises privées sont sur le point de se lancer à la conquête de l’espace à partir de rampes de lancement sur le territoire canadien.

« Durant plusieurs années, les satellites canadiens ont décollé à partir de sites dans d’autres pays. Le temps est venu pour nous de procéder à leur lancement ici, à la maison », a lancé avec enthousiasme le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, vendredi, depuis les bureaux de l’Agence spatiale canadienne à Longueuil.

« Nous voulons envoyer un message clair, non seulement aux Canadiens, mais aussi aux pays et aux entreprises à l’étranger que le Canada entend être un leader dans le domaine spatial », a-t-il ajouté, confirmant du même coup que les rampes de lancement sur le territoire canadien seront accessibles aux entreprises de l’extérieur.

« On boucle la boucle »

À ses côtés, l’astronaute David St-Jacques n’a pas caché sa fierté de voir le Canada prendre cette direction, soulignant qu’au-delà des lancements commerciaux, il pourrait très bien, un jour, y avoir des humains qui se rendent dans l’espace à partir du Canada : « On boucle la boucle finalement. On a tellement une industrie spatiale développée et respectée au Canada, mais il manquait ce morceau-là, la possibilité de faire des lancements en orbite. C’est la dernière étape avant que le Canada puisse être un joueur complètement intégré dans le domaine spatial. »

Le ministre Alghabraa ainsi annoncé que le cadre réglementaire sera modernisé afin de permettre le lancement d’engins spatiaux à des fins commerciales sur le territoire canadien. Le député libéral de Notre-Dame-Westmount et ex-astronaute, Marc Garneau, a expliqué que le Canada possède des atouts uniques pour des projets d’infrastructures de lancement qui nécessitent, sans mauvais jeu de mots, de l’espace afin de ne présenter aucune menace à la sécurité de zones habitées : « Le Canada est idéal de ce point de vue là, parce que le Canada est largement vide et ça nous permet de faire des vols sur plusieurs différentes inclinaisons orbitales. »

L’avantage d’une orbite nord-sud

David St-Jacques a précisé que les lancements à partir du Canada offraient un avantage stratégique important aux entreprises satellitaires, comparativement aux rampes de lancement de la Floride ou de la Guyane, par exemple : « Géographiquement, nous sommes vraiment positionnés à un endroit unique. On a quelque chose de spécial à offrir par rapport à d’autres pays : nous pouvons lancer des satellites qui visent vers le Nord sur une orbite qui passe d’un pôle à l’autre, au lieu d’une orbite qui fait le tour de l’Équateur. » Cette particularité de pouvoir être en orbite sur un axe nord-sud plutôt qu’est-ouest pendant que la Terre tourne, permet de visionner la planète entière, a-t-il fait valoir.

L’objectif d’Ottawa est de répondre, sur le territoire canadien, aux besoins et à la forte demande du secteur privé pour des lancements permettant de placer en orbite diverses technologies spatiales, devenues essentielles dans de multiples secteurs économiques.

Une fusée orbitale en Nouvelle-Écosse dès 2024

Déjà, le président-directeur général de Maritime Launch Services, Stephen Matier, a confié à La Presse Canadienne qu’il prévoit procéder dès cette année à Canso, en Nouvelle-Écosse, à un premier lancement d’essai, suborbital, suivi d’une petite fusée orbitale l’an prochain et au premier lancement d’une fusée orbitale capable de porter une charge utile dès 2025. Il dit s’attendre-si tout va bien-à atteindre rapidement un rythme de 8 à 10 lancements par année.

Pour l’instant, le Québec n’est sur le radar de personne pour un éventuel projet, mais Marc Garneau estime que cela pourrait changer très rapidement : « Le Québec est bien positionné. C’est la plus grosse province. Il y a un immense territoire, entouré par beaucoup d’eau, alors oui, le Québec serait un candidat excellent. Je ne sais pas si quelqu’un va soumettre une demande pour que des lancements se fassent du Québec, mais certainement, le Québec est un bon candidat. »

Ottawa entend dès à présent élaborer des exigences réglementaires strictes, des normes de sécurité et des conditions de délivrance des permis rigoureuses « pour assurer que tout lancement, incluant sa charge utile, soit analysé et approuvé de manière à respecter les lois domestiques et les traités et conventions internationaux », a expliqué le ministre Alghabra.

Pour l’instant, il n’y a pas de cadre réglementaire entourant une telle activité, d’où l’annonce d’aller de l’avant rapidement pour en mettre sur pied.