Ottawa a annoncé vendredi l’entrée en vigueur immédiate du gel national de la vente, de l’achat et du transfert d’armes de poing. En parallèle, le Nouveau Parti démocratique (NPD) montre des signes d’ouverture à l’élargissement des exceptions au gel national réclamées par des fédérations sportives.

« Les armes de poing n’ont pas leur place dans nos communautés, ou franchement n’importe où au Canada, sauf sur un policier ou dans un champ de tir », a déclaré le ministre de la Justice David Lametti, lors de l’annonce à Montréal-Nord.

En mai, le gouvernement libéral avait annoncé un plan visant à mettre en œuvre un tel gel national afin d’aider à la répression de la violence liée aux armes à feu.

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David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada

Mais alors que le projet de loi C-21 continue d’être débattu au Parlement, « des mesures immédiates sont prises par le biais de règlements en raison de l’urgence de la situation au Canada », a indiqué le bureau du premier ministre Justin Trudeau par communiqué.

Le gel national annoncé vendredi « empêchera les gens d’apporter des armes de poing nouvellement acquises au pays et restreindra immédiatement l’achat, la vente et le transfert d’armes de poing au Canada ».

« Les demandes soumises au plus tard le 21 octobre 2022 pour acheter, vendre ou transférer une arme de poing au Canada continueront d’être traitées », a-t-on cependant précisé.

Le gel de l’importation d’armes de poing, entré en vigueur en août, demeure en place.

Critiques à Ottawa

Peu après l’annonce, le NPD et le Bloc québécois ont tous deux déclaré que le gouvernement libéral aurait dû agir plus tôt en ce sens. « En plus de resserrer l’encadrement des armes légales, il faut une stratégie efficace de lutte au trafic des armes illégales », a ajouté la porte-parole du Bloc québécois en matière de Sécurité publique, Kristina Michaud.

La ministre du Cabinet fantôme conservateur responsable de la Sécurité publique, Raquel Dancho, a décrit vendredi l’approche libérale comme un gaspillage de ressources qui ne donnera pas les résultats escomptés. Son parti a déjà manifesté son opposition au gel national ce printemps, soutenant que le projet de loi C-21 est une attaque des libéraux contre les propriétaires d’armes à feu qui respectent les lois.

Le gouvernement soutient que le plafonnement du nombre d’armes de poing au Canada rendra le pays plus sûr, notant qu’elles étaient la catégorie d’armes la plus représentée dans la plupart des crimes violents liés aux armes à feu entre 2009 et 2020.

La violence meurtrière augmente avec la disponibilité des armes à feu.

David Lametti, ministre fédéral de la Justice, en conférence de presse, vendredi

Les entreprises pourront continuer à vendre des armes à certaines personnes exemptées, dont des tireurs sportifs d’élite qui participent ou s’entraînent en vue de participer à des évènements reconnus par les comités internationaux olympiques ou paralympiques.

Exemption plus large demandée

Des tireurs sportifs font cependant pression sur le gouvernement fédéral afin qu’il prévoie des exceptions plus larges pour eux. Les défenseurs du contrôle des armes à feu s’y opposent fermement, mais l’idée semble faire du chemin auprès de certains.

Le 4 octobre dernier, lors d’une réunion du comité parlementaire de la sécurité publique, le député néo-démocrate Alistair MacGregor a demandé au ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, si le gouvernement était « ouvert à l’élargissement du langage » de ces exceptions. M. MacGregor a fait référence à la Confédération internationale de tir pratique (CITP).

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Alistair MacGregor, député du Nouveau Parti démocratique

« Ce sont des gens, mes électeurs, qui sont très passionnés par ce qu’ils font, a ajouté le député de Cowichan–Malahat–Langford, en Colombie-Britannique. J’ai assisté à une compétition et c’est très sécuritaire, les règles sont assez bien appliquées. »

« Il nous incombe d’être ouverts d’esprit à ce sujet, a répondu M. Mendecino, mais en même temps, de reconnaître que ce que nous essayons de faire, c’est d’inverser la tendance alarmante autour de la violence armée. »

M. MacGregor est revenu à la charge jeudi, lorsqu’il a demandé à un témoin devant le comité s’il existe « un moyen de trouver un compromis dans ce domaine où nous permettons à ceux qui sont si passionnés par leur sport de continuer d’une manière ou d’une autre ».

Contrairement aux compétitions traditionnelles, les compétitions de la CITP peuvent impliquer de tirer en mouvement sur des cibles fixes et mobiles, en plus d’essayer d’être rapide entre les tirs.

PolySeSouvient émet des réserves

Le fait d’exempter la CITP de l’application du projet de loi C-21 pourrait cependant « vider la mesure de son sens », selon PolySeSouvient. « La CITP peut certifier n’importe quel “sport” de tir […] Il s’ensuit que la plupart des membres du club de tir, sinon tous ses membres, pourraient être exemptés du gel sur les achats d’armes de poing », s’est inquiété le groupe dans son mémoire présenté au comité ce mois-ci.

Dans un message à ses membres plus tôt ce mois-ci, la section britanno-colombienne de la CITP a prévu que si cette exception est accordée, « [la CITP deviendra] la porte d’entrée de la possession d’armes de poing au Canada et nous pouvons nous attendre à une énorme augmentation du nombre de membres ».

Invité à préciser la position de son parti, M. MacGregor n’a pas répondu aux questions de La Presse concernant l’exemption demandée par la CITP.

Avec La Presse Canadienne