(Halifax) Onze jours après que la tempête post-tropicale Fiona ait renversé des lignes électriques à plusieurs endroits au Canada atlantique, plus de 13 000 habitants de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse étaient toujours privés de courant mercredi soir, exaspérant de plus en plus les personnes touchées.

Dans le nord de la Nouvelle-Écosse, des centaines de résidents en colère ont envoyé des messages à la députée provinciale Elizabeth Smith-McCrossin plus tôt cette semaine, lorsqu’ils ont appris que leur maison ne serait pas rebranchée au réseau électrique avant dimanche prochain, soit plus de deux semaines après le passage de la tempête post-tropicale Fiona et ses vents violents.

« Les gens qui sont toujours sans courant sont très affligés et exaspérés », a reconnu Mme Smith-McCrossin mardi en entrevue.

« Nous avons de nombreux aînés, des personnes vulnérables et des personnes handicapées qui n’ont aucun moyen de communiquer avec les gens pour leur faire savoir qu’ils ont besoin d’aide et qu’ils n’ont pas d’eau potable. C’est un véritable problème de santé et de sécurité maintenant », a-t-elle déploré.

Sans électricité, de nombreuses maisons et entreprises des régions rurales de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont pas accès à l’eau courante parce que les pompes de leurs puits ne fonctionnent pas.

Mme Smith-McCrossin, députée indépendante de Cumberland-Nord, a déclaré qu’elle avait récemment présenté aux militaires une liste de noms et d’adresses de personnes vulnérables, et ces derniers ont commencé à vérifier leur bien-être lundi. Elle estime toutefois qu’il faut en faire plus.

J’ai reçu des centaines de messages hier soir, des gens très en colère me disant : “ Vous devez faire quelque chose ”

Elizabeth Smith-McCrossin, députée provinciale indépendante

« Nous avons besoin de plus d’aide… Nous avons besoin de plus de soldats sur le terrain », ont-ils indiqué.

Plus tard mercredi, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a demandé plus de soutien aux Forces armées canadiennes et a déclaré l’état d’urgence au Cap-Breton et dans cinq comtés de l’est et du nord de la Nouvelle-Écosse.

Près de 5000 foyers et entreprises de la Nouvelle-Écosse étaient toujours sans électricité mercredi soir ; 8100 autres étaient encore dans l’obscurité à l’Île-du-Prince-Édouard.

Heather Taves, de Stratford, à l’Île-du-Prince-Édouard, a raconté que sa vie a été réduite à différentes corvées depuis que les lumières se sont éteintes le 24 septembre : à la recherche d’eau, à la recherche de nourriture ou encore rester une heure en ligne avec Maritime Electric », a-t-elle affirmé en entrevue mercredi.

Sa routine consiste également à dormir jusqu’au lever du soleil — pour économiser les piles —, à faire du pain grillé et du café sur le barbecue, à veiller sur ses voisins plus âgés, à recharger son téléphone portable dans sa voiture et à se rendre à la bibliothèque de Charlottetown avec sa fille.

« Puis nous mangeons un grand repas quelque part dans un restaurant pendant la journée », a dit la retraitée.

« Quand c’est la nuit, nous essayons de chauffer de l’eau et de manger de la soupe. Nous allumons des bougies, puis nous lisons à la lumière des chandelles. Nous nous couchons très tôt parce que c’est ennuyeux et que nous sommes fatigués », a-t-elle expliqué.

Mme Taves a souligné que la tempête a également entravé ses efforts pour démarrer une nouvelle entreprise.

« Nous sommes vraiment en difficulté. Nous pleurons quelques fois par jour. Les voisins disent qu’ils pleurent aussi », laisse tomber la femme âgée de 62 ans.

À Bible Hill, en Nouvelle-Écosse, Barry Haner se rappelle que la tempête a inondé son sous-sol et la pompe électrique qu’il utilise pour son puits. Depuis, il transporte des conteneurs d’eau sur son lieu de travail. Il a dit qu’il s’est lassé de se faire répéter que l’électricité allait bientôt revenir, pour se faire dire finalement qu’il y aura un autre retard.

Mardi, on lui a dit que le courant serait rétabli samedi. C’est à ce moment-là qu’il a appelé Nova Scotia Power Inc., le service privé d’électricité de la province.

« Je me sentais mal pour la personne au bout du fil. J’ai commencé la conversation en m’excusant pour le ton de ma voix, mais j’étais tellement frustré à ce point. Elle ne l’a pas pris personnel, mais en même temps, je n’ai pas obtenu de vraies réponses à mes questions », a affirmé M. Haner.

Il a raconté qu’il a déménagé sa famille dans une plus grande maison à Bible Hill il y a 17 ans en partie parce que le village résidentiel près de Truro, en Nouvelle-Écosse, avait de meilleurs services à offrir, y compris ce qu’il croyait être un réseau électrique plus stable. Sa famille a perdu le courant pendant sept jours après que l’ouragan Juan a ravagé la province en 2003. Ils ne voulaient pas revivre cela, a-t-il dit.

« C’est comme ajouter du sel sur une blessure, a affirmé M. Haner en riant. J’ai une attitude positive. Je sais qu’il y a tellement de gens qui sont aux prises avec une situation pire, avec beaucoup plus de dommages. Je suis de tout cœur avec ces gens, mais en même temps, nous vivons au Canada et je vis dans une région urbaine », a-t-il laissé tomber avec incompréhension.

En 2003, Juan a coupé l’électricité à 300 000 foyers et entreprises de la Nouvelle-Écosse. Il a fallu 15 jours à Nova Scotia Power pour rétablir le courant à presque tous ses clients. En 2019, c’était la tempête post-tropicale Dorian qui a laissé 411 000 clients dans l’obscurité. À l’époque, la restauration complète a pris environ 10 jours.

Au plus fort de la fureur de Fiona, environ 415 000 des 525 000 clients de Nova Scotia Power étaient sans électricité.

« Fiona a été décrite comme ayant le pouvoir de Juan et la taille de Dorian, a rappelé pour sa part Jacquelin Forster, porte-parole de Nova Scotia Power.

« Les dommages sont considérables. Il y a eu des milliers d’arbres tombés, des centaines de poteaux brisés et des routes emportées dans toute la province », a-t-elle souligné pour illustrer l’ampleur des travaux.