(Sainte-Anne-de-Beaupré) Au cinquième jour de son pèlerinage pénitentiel au Canada, le pape François a pris un bain de foule avant de prendre part à une messe sur les thèmes de la réconciliation et de la guérison à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré. Il a été accueilli par une foule clairsemée aux sentiments partagés.

Le pape a parlé du périple des disciples d’Emmaüs, à la fin de l’Évangile selon saint Luc, et de la culpabilité que ceux-ci ont ressentie après la mort de Jésus. Il a indiqué que l’on pouvait se poser des questions, se demander : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi cela est-il arrivé ? Comment cela a-t-il pu arriver ? »

« Ce sont les questions que chacun de nous se pose à lui-même ; et ce sont aussi les interrogations brûlantes que cette Église pèlerine au Canada fait résonner dans son cœur sur un éprouvant chemin de guérison et de réconciliation », a-t-il déclaré dans sa langue maternelle, l’espagnol, après avoir prononcé quelques mots en français pour ouvrir la messe vers 10 h jeudi.

À l’intérieur du sanctuaire, juste devant l’autel et à quelques mètres de François au début de la messe, des manifestants ont déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire : Rescind the Doctrine (« Révoquez la doctrine [de la découverte] »), en référence aux édits papaux du XVsiècle qui autorisaient les puissances européennes à coloniser les terres et les peuples non chrétiens.

Une version précédente de ce texte disait que le pape avait réitéré à Sainte-Anne-de-Beaupré ses excuses présentées plus tôt cette semaine. En fait, ces excuses ont été rediffusées sur grand écran avant son arrivée à la basilique. Elles avaient aussitôt été critiquées notamment pour ne pas avoir abordé nommément la responsabilité de l’Église en tant qu’institution, et pour ne pas avoir fait mention des agressions sexuelles infligées dans les pensionnats.

En soirée, le pape François a toutefois finalement reconnu les abus et agressions sexuels infligés aux « mineurs et personnes vulnérables » lors d’une homélie prononcée durant la prière du soir à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec. Le Saint-Père a mentionné que la lutte contre les abus sexuels et d’autres « crimes » de ce type exige une « action ferme » et un « engagement irréversible ».

« Le système est toujours là »

Rencontrée à Sainte-Anne-de-Beaupré, Lise Coocoo Dubé estime que ces excuses sont « une bonne chose ». « Il était temps, je crois », a ajouté celle qui accompagne une délégation d’aînés et de survivants de sa communauté, Manawan. « J’espère que ça va apaiser leurs souffrances. »

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Lise Coocoo Dubé

« Il y a pas mal de choses qu’il n’a pas mentionnées », a déploré Abigail Brooks, une jeune femme de la Première Nation sitansisk, au Nouveau-Brunswick. « Il ne peut pas y avoir de réconciliation tant que tout ce qui est arrivé n’est pas reconnu. » Elle et son amie Stevie Hall-Polchies ont fait le voyage pour « soutenir nos aînés et tous les survivants des pensionnats ».

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Stevie Hall-Polchies (à gauche) et Abigail Brooks

Pour Jimmy Peter Einish, un survivant de la communauté naskapie de Kawawachikamach, au nord de Schefferville, ces excuses ne sont que le début. « Le système est toujours là, il nous enlève toujours nos enfants : c’est le système de protection de la jeunesse », a-t-il dénoncé.

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Jimmy Peter Ainish (au centre)

Avant de célébrer la messe, le pape François a circulé dans un chemin clôturé pour saluer la foule de quelques centaines de personnes rassemblées devant la basilique.

Les organisateurs s’attendaient à ce que plus de 16 000 personnes y assistent, mais comme lors des évènements précédents à Québec et en Alberta, la participation s’est révélée beaucoup moindre. On y retrouvait néanmoins beaucoup d’Autochtones, souvent vêtus de l’orangé du mouvement « chaque enfant compte » en souvenir des survivants des pensionnats et des enfants qui y ont été perdus.

D’autres catholiques de toutes origines étaient aussi venus voir le souverain pontife. Le site de Sainte-Anne-de-Beaupré est l’un des lieux de pèlerinage les plus anciens et les plus populaires d’Amérique du Nord et attire chaque année plus d’un million de visiteurs.

Le pape François a aussi pris part à des vêpres – un service de prières – avec des chefs de l’Église en début de soirée jeudi à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec. Il doit rencontrer une délégation de peuples autochtones vendredi matin avant de partir pour Iqaluit. La capitale du Nunavut sera son dernier arrêt au Canada.

Une erreur de traduction se serait glissée dans le discours

Les organisateurs de la visite papale disent que le Vatican a « clarifié » une partie des excuses du pape François aux survivants des pensionnats pour Autochtones, notant qu’une erreur s’était produite lors de la traduction.

Les paroles du pontife près d’Edmonton cette semaine ont soulevé des questions lorsqu’il a déclaré qu’une partie importante de l’avancement de la demande de pardon « sera de mener une enquête sérieuse sur les faits de ce qui s’est passé ».

François parlait espagnol et les excuses étaient traduites en anglais.

Les organisateurs de la visite papale ont déclaré dans un communiqué que le Vatican avait « clarifié » que la traduction anglaise aurait dû signifier que les survivants avaient entendu le pape dire que ce qu’il fallait ensuite était une « recherche sérieuse », et non une « enquête sérieuse ».

Les organisateurs disent que le pape a exprimé le désir que les catholiques continuent à rechercher la vérité et à favoriser la réconciliation.

Ils disent que les évêques canadiens se sont également engagés à remettre des documents qui pourraient aider les communautés à identifier les restes d’enfants autochtones qui seraient enterrés dans des tombes anonymes sur d’anciens sites scolaires.

Avec l’Agence France-Presse