(Ottawa) Le ministère fédéral de l’Immigration a mis à jour sa stratégie antiraciste à la suite de critiques lors de la crise des réfugiés ukrainiens, mais des groupes représentant les demandeurs et les réfugiés disent qu’il n’est pas clair ce qui va changer pour les personnes qui dépendent du système.

Le document d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) publié cette semaine indique que le ministère doit faire preuve de plus d’ouverture d’esprit et d’autocritique en réponse aux reproches comme ceux qu’il a reçus au sujet de la façon dont le gouvernement a traité les réfugiés ukrainiens cette année par rapport aux Afghans fuyant les talibans en 2021.

« On dirait qu’il y a beaucoup de bonnes intentions et de bonnes initiatives, mais à quoi cela mènera-t-il exactement ? Ce n’est pas clair », a souligné Janet Dench, directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés.

Le conseil est une organisation-cadre qui représente des groupes liés à l’établissement, au parrainage et à la protection des réfugiés et des immigrants.

Selon le document stratégique, il y a eu peu de consultations avec des groupes extérieurs au gouvernement sur cette version de la stratégie, et il est prévu d’en faire plus en 2023.

Mme Dench a été consultée, ainsi que le Conseil national d’établissement et d’intégration, mais elle a indiqué que le ministère semblait se concentrer sur le racisme sur le lieu de travail.

La stratégie a spécifiquement souligné une enquête indépendante auprès des employés qui a révélé que les travailleurs subissaient des micro-agressions et des préjugés lors de l’embauche et de la promotion.

Mme Dench a précisé qu’elle ne voulait pas minimiser ces problèmes importants, mais il y a des défis auxquels sont confrontés les candidats qu’IRCC doit également résoudre.

« Qu’en est-il des délais de traitement très longs et disparates pour les réfugiés ? demande-t-elle. C’est un peu décourageant pour nous, après avoir passé des années à mettre en évidence ces problèmes liés aux réfugiés, que cela ne semble pas du tout avoir été relevé, ou identifié comme un problème particulier à examiner. »

La stratégie se fixe comme objectif de mieux comprendre le racisme et les préjugés systémiques intégrés dans la façon dont le ministère fournit des services ainsi que de devenir plus transparent en diffusant davantage de données aux chercheurs et au public.

La porte-parole du NPD en matière d’immigration, Jenny Kwan, a souligné que le langage de la stratégie est positif, mais ne semble pas être soutenu par une action immédiate.

« Alors que le gouvernement consulte, alors qu’il examine et étudie ces questions, l’impact continu des politiques discriminatoires… a un effet réel sur les gens », a indiqué Mme Kwan en entrevue vendredi.

Elle a mentionné des conférenciers d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie qui prévoient assister à une grande conférence sur le sida à Montréal et qui se sont vu refuser des visas, souvent au motif que le gouvernement canadien ne croit pas qu’ils rentreront chez eux après l’évènement.

La stratégie aborde également l’utilisation d’outils automatisés qui comportent le risque de reproduire des décisions humaines façonnées par des préjugés inconscients et le racisme : un problème qui a été signalé par des experts comme un facteur contribuant aux écarts dans les délais de traitement des visas de visiteur.

« L’utilisation de cette technologie par IRCC n’est soumise à aucun examen externe », a indiqué Gideon Christian, professeur adjoint de droit à l’Université de Calgary, spécialisé dans l’intelligence artificielle. Il a obtenu son diplôme en droit de l’Université de Lagos au Nigeria.

« Nous ne savons pas dans quelle mesure ce préjugé et ce racisme ont un impact négatif sur les personnes (d’Afrique) en raison de l’utilisation de la technologie de l’intelligence artificielle », a-t-il ajouté.

Selon la stratégie, alors que le ministère s’efforce de moderniser ses systèmes, c’est une opportunité d’intégrer l’équité dans les programmes numériques à mesure qu’ils sont repensés.

Lorsqu’il s’agit de bannir le racisme systémique de la main-d’œuvre, la stratégie présente plusieurs plans, notamment la mise en place d’une formation contre le racisme, des programmes de développement de carrière pour les employés noirs et racisés, et le recrutement pour améliorer la représentation à tous les niveaux du ministère.

Mme Kwan et le porte-parole conservateur en matière d’immigration, Jasraj Singh Hallan, conviennent qu’il n’y a pas eu suffisamment d’action pour soutenir les plans énoncés dans le document.

M. Hallan dit qu’il a parlé aux employés du ministère et qu’ils ne voient toujours pas de changements, deux ans après la publication de la première stratégie. Il n’est donc pas certain que cela va vraiment résoudre les problèmes de racisme à l’intérieur.

Il a ajouté que si le ministère peut améliorer les conditions des travailleurs racisés et que la diversité se reflète à tous les niveaux du ministère, la prestation des programmes s’améliorera également.

Il a cité le besoin d’employés ayant une formation appropriée qui comprennent différentes cultures.