(Ottawa) Le pacte « de soutien et de confiance » conclu entre le gouvernement Trudeau et le Nouveau Parti démocratique (NPD) tiendra jusqu’en 2025, comme prévu, croit Pablo Rodriguez, l’un des gardiens de cet accord. Mais attention : si les libéraux ne livrent pas le programme de soins dentaires et le supplément de 500 $ pour l’aide au logement, le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, jure qu’il déchirera l’entente.

Le gouvernement libéral, qui avait été élu avec une minorité de sièges pour la seconde fois, le 20 septembre 2021, a gagné du temps grâce à cette entente dévoilée quelque six mois plus tard. Et depuis ce temps, « il y a une réelle volonté que ça fonctionne », dit Pablo Rodriguez, membre du comité de surveillance de l’entente, avec Dominic LeBlanc et Ruby Sahota.

« Ça fait un bout de temps que je roule ma bosse en politique, et je dirais que je vois, et sens, cette volonté de part et d’autre. Nos rencontres sont productives, et on voit aussi, sur le plancher de la Chambre, que ça fonctionne : les projets de loi avancent », expose le ministre, qui y voit une façon de contrer « le blocage systématique des conservateurs qui flibustent au coton ».

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, considère lui aussi que les choses se déroulent rondement. Les porte-parole de son parti rencontrent les ministres qu’ils ont l’habitude de critiquer pour se tenir au courant des projets du gouvernement.

Un prérequis clair

D’autres réunions ont lieu régulièrement entre les leaders parlementaires et les whips des deux formations politiques. Et comme stipulé dans l’entente, Jagmeet Singh a rencontré Justin Trudeau. Ces rencontres doivent avoir lieu au moins chaque trimestre.

« Je lui ai dit “tout va bien”, mais j’ai souligné l’importance de voir l’aide pour les gens », relate-t-il.

Le chef néo-démocrate tient au supplément de 500 $ à l’Allocation canadienne pour le logement. Selon l’entente, cette somme doit être versée en 2022. Il veut également voir le lancement du nouveau programme de soins dentaires d’ici la fin de l’année. Ce sont les enfants de moins de 12 ans qui doivent d’abord en bénéficier.

Ces deux mesures étaient dans le budget en avril, mais les détails n’ont toujours pas été annoncés.

« Si les gens ne reçoivent pas l’aide qu’on a obtenue dans l’entente avant la fin de l’année, on ne peut pas continuer avec cette entente, a-t-il tranché. Mais on reste optimistes que ça va arriver. »

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pablo Rodriguez, membre du comité de surveillance de l’entente entre le PLC et le NPD

Là-dessus, M. Rodriguez est catégorique : ce sera fait. Et ce n’est pas seulement parce que les libéraux « ont l’obligation de livrer cet élément-phare de l’entente », mais aussi parce que « beaucoup d’enfants au Canada ne vont pas chez le dentiste parce que leurs parents n’ont pas les moyens de les y emmener », soutient-il.

Fin mars, son collègue à la Santé, Jean-Yves Duclos, admettait que ce ne serait pas simple. « Les provinces et territoires, les compagnies d’assurance, à la fois avec les entreprises et de manière privée, directement avec les gens, ont déjà des mécanismes d’assurance dentaire », exposait-il.

Il y a beaucoup de travail à faire. […] Il faut commencer à faire le portrait de ce qui existe déjà pour ensuite établir la suite.

Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé

Jagmeet Singh fait valoir que le gouvernement a déjà un programme de soins dentaires pour les Premières Nations et les Inuits qui fonctionne.

Il est catégorique : pas question pour les gens de sortir leur portefeuille chez le dentiste. « Avec le paiement et le remboursement, ça va créer des barrières pour les moins nantis et c’est une barrière inacceptable, dit-il. On va créer un programme où on va payer directement les factures. »

Une alliance critiquée

L’entente entre les libéraux et les néo-démocrates est un « aveu d’échec de démocratie » selon le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

La seule façon que cette espèce de mariage étrange a de faire avancer les choses, c’est par une série sans précédent de bâillons.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Il ne croit pas du tout qu’elle durera jusqu’en 2025, surtout si Pierre Poilievre devient chef du Parti conservateur. « Il se pourrait que M. Trudeau voie une fenêtre pour retourner en élections et vienne se chercher une vraie majorité, a-t-il prédit. Imaginez le festival de l’arrogance ce jour-là. »

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, lors de la période des questions à Ottawa, mercredi

Le Bloc québécois est l’un des grands perdants de cette alliance, car il avait davantage d’influence auprès du gouvernement précédent.

« C’est sûr que le fait qu’on s’entende avec le NPD réduit considérablement la marge de négociation du Bloc. C’est sûr. Ça n’a pas fait leur affaire du tout », reconnaît Pablo Rodriguez, celui que les libéraux envoient souvent au front pour répondre aux questions des bloquistes. Il le fait souvent en les accusant de vouloir la « chicane ».