Le soir avant que les forces russes traversent la frontière ukrainienne, Igor Volzhanin a rencontré un ami dans un café du centre de Kyiv.

« Nous sommes restés là-bas jusqu’à environ minuit, juste à parler, se souvient le Canadien en entrevue depuis l’Ukraine. Je ne pense pas que l’un de nous s’attendait vraiment à ce que cela se produise le lendemain matin. »

Le 25 février, les vacances de M. Volzhanin en Ukraine devaient se poursuivre avec un spectacle d’humour de Louis C. K. et, le lendemain, il devait monter à bord d’un avion pour la France pour un séjour de ski. Mais ses plans ont rapidement changé.

Les forces russes ont commencé leur assaut le 24 février. Quelques jours plus tard, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lancé un appel qui a été entendu dans le monde entier lorsqu’il a demandé aux gens d’aider son pays à combattre la Russie.

M. Volzhanin n’a pas d’expérience militaire, mais il s’est quand même inscrit dans la ainsi nommée Légion internationale de défense de l’Ukraine. Il a dit qu’il était le deuxième des quelque 20 000 personnes de 52 pays qui se sont depuis portées volontaires pour se battre.

« J’ai senti que c’était la bonne chose à faire, a-t-il déclaré. Quand la guerre a commencé, il y avait une option pour quitter le pays. Il y avait une voiture qui m’attendait, essentiellement. Et j’ai senti… que j’étais né en Ukraine. Donc, c’est ma maison en quelque sorte, et j’ai senti que je voulais la défendre. »

Les Canadiens constituent l’un des plus grands groupes de volontaires de la légion internationale, à côté de ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne, selon un porte-parole. L’organisation grandit et cherche plus de membres ayant une expérience de combat, alors même que le gouvernement canadien et d’autres puissances occidentales avertissent leurs citoyens de ne pas aller se battre en Ukraine.

Mais ce n’est pas seulement l’expérience que la légion recherche, selon M. Volzhanin. C’est aussi de la motivation.

Vous êtes l’opprimé, vous recevez des bombes et la guerre est beaucoup plus intense. La mort est une possibilité réelle ici.

Igor Volzhanin, un Canadien d’origine ukrainienne

M. Volzhanin, un ancien entrepreneur en technologie de 34 ans qui a grandi à Mississauga, en Ontario, était vêtu d’un t-shirt camouflage un samedi et, vers 7 heures du matin, heure locale, il avait déjà bien commencé sa journée. Lorsqu’il est à l’extérieur, il a dit qu’il portait un gilet pare-balles d’environ 12 kilogrammes, ce qu’il a décrit comme « assez léger ».

Il est impliqué dans l’évaluation des candidats à la légion, la logistique et d’autres tâches selon les besoins, a-t-il expliqué.

Il a comparé la légion à une start-up — dans un « sens positif » — dans laquelle il a commencé au ras du sol pour ensuite faire fonctionner les choses.

S’il postulait pour faire partie de la légion maintenant, il ne serait pas accepté compte tenu de son manque d’expérience militaire, a-t-il ajouté.

Sélections de Canadiens volontaires

L’ancien député libéral Borys Wrzesnewskyj fait partie d’un groupe de bénévoles qui ont offert d’aider l’ambassade d’Ukraine à Ottawa à contacter et à contrôler les Canadiens désireux de répondre à l’appel aux armes du président Zelensky.

M. Wrzesnewskyj a déclaré qu’environ 1500 Canadiens avaient demandé à se joindre à la légion internationale. Mais alors que les entretiens avec les candidats potentiels ont commencé il y a environ une semaine, après une suspension temporaire, l’ancien député a précisé qu’aucun n’avait encore été déployé.

« Ils font juste attention à s’assurer qu’ils ont les bonnes personnes, a-t-il indiqué. Il a été souligné à maintes reprises qu’il doit s’agir de personnes qui ont vraiment une expérience de combat et qu’un processus d’entretien et de vérification approprié a lieu. »

La majorité des Canadiens qui ont postulé n’ont pas d’expérience de combat et ne seront pas acceptés, selon lui.

M. Volzhanin a rappelé qu’il était « extrêmement » nerveux lorsqu’il s’est inscrit pour la première fois.

« J’avais peur parce que je n’ai jamais servi dans l’armée, a-t-il rapporté. Je ne savais pas à quoi m’attendre à ce moment-là, en février. Il y avait tellement d’images et d’histoires de personnes qui recevaient un pistolet et étaient envoyées au front. Je ne savais pas à quoi m’attendre. »

Maintenant que cela fait environ six semaines qu’il s’est engagé, il comprend que « personne dans l’armée n’est intéressé à envoyer des soldats non formés au front », et il est beaucoup plus calme et à l’aise.

Certains Canadiens ont décidé de contourner le processus de demande officiel et de se rendre seuls en Ukraine pour se battre. M. Wrzesnewskyj a indiqué qu’il y avait eu des rapports antérieurs de Canadiens blessés ou tués au combat.

Le moment exact où les Canadiens commenceront à être déployés reste un mystère, mais, selon M. Wrzesnewskyj, des volontaires sont toujours nécessaires même si le conflit passe d’une invasion totale de l’Ukraine à une guerre pour les territoires est et sud du pays.

L’ambassade d’Ukraine à Ottawa n’a pas répondu aux demandes de commentaires.

Un engagement à long terme

La légion a attiré des vétérans qui ont servi en Irak, en Afghanistan, en Syrie, dans les guerres des Balkans et des personnes qui ont combattu les cartels de la drogue en Amérique du Sud, d’après M. Volzhanin. Contrairement à ces conflits, celui en Ukraine ne peut pas compter sur la supériorité aérienne et d’autres avantages.

Ceux qui rejoignent la légion doivent signer un contrat stipulant qu’ils resteront jusqu’à ce que la loi martiale soit levée. Mais il y en a eu quelques-uns pour qui les circonstances ont changé et qui ont été autorisés à partir, a souligné M. Volzhanin.

« Personne ne les garde dans la légion contre leur volonté ou leur désir », a-t-il ajouté.

Mais ce qu’il veut faire passer comme message, c’est que l’Ukraine est en guerre et que c’est un pays avec très peu de ressources à utiliser pour ceux qui changent soudainement d’avis.

« Donc, si vous pensez déjà “ eh bien, peut-être que je vais le faire pendant une période de temps limitée ”, pensez aux ressources que le pays mettra en vous et si vous pourrez ou non contribuer en retour au moins pour la même chose ou plus », a-t-il dit.

Et si tu sais que tu viens pour une semaine ou deux, alors ça n’en vaut pas la peine.

Igor Volzhanin, un Canadien d’origine ukrainienne

Le conflit l’a amené à relativiser les choses et M. Volzhanin s’est demandé comment cela l’affecterait à l’avenir.

Le matin de l’invasion, il a dit qu’il se trouvait dans une épicerie où il a vu quelques personnes portant des vêtements et des accessoires de marque. Depuis ce moment, il s’est demandé s’il pouvait reprendre le fil de cette ancienne vie et revenir à la façon dont les choses étaient.

« Je me souviens juste d’avoir pensé à quel point elles avaient perdu tout sens. Non seulement ces choses étaient hors de propos, mais elles étaient devenues insignifiantes en l’espace de huit heures », a énoncé M. Volzhanin.

La chose qui l’a le plus surpris est la rapidité avec laquelle l’assaut a commencé.

« Cela vous fait réaliser à quel point la frontière est mince entre la normalité et la guerre », a-t-il témoigné.

« La veille au soir, vous pouviez juste marcher dans la rue et il y avait des gens, il y avait des cafés, des bars, tous ouverts, des gens qui s’amusaient. Et, littéralement huit heures plus tard, vous pouviez vous retrouver dans la zone de guerre. Il y a quelque chose que vous pensiez être stable, quelque chose qui a été construit au fil des années, et qui pourrait tout simplement être complètement détruit. En un instant », a-t-il conclu.