(Ottawa) Le gouvernement canadien étudie le rôle qu’il pourrait jouer dans un potentiel accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. En attendant, sur le front juridique, Ottawa envoie des enquêteurs pour étoffer le dossier que prépare la CPI.

Le Canada a été ciblé par le négociateur en chef de la délégation ukrainienne, David Arakhamia, comme l’un des pays sur lesquels l’Ukraine pourrait compter pour assurer sa sécurité si elle accepte un statut de neutralité dans le cadre d’un accord international. « Nous insistons sur le fait qu’il doit s’agir d’un traité international signé par tous les garants de la sécurité », a-t-il déclaré, selon une transcription en anglais publiée sur le site du président ukrainien.

À Ottawa, mardi, une source gouvernementale a confirmé à La Presse que l’option a bel et bien été discutée, et que le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, en a parlé au premier ministre Justin Trudeau lundi soir lors de leur entretien téléphonique. « Il y a des pourparlers en ce sens, mais on ne s’est pas engagés là-dessus. On consulte nos alliés », a dit cette source sous le couvert de l’anonymat, afin de parler plus librement.

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, ne s’est pas étendue sur le sujet.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

Nous sommes au courant de plusieurs des discussions, mais je ne peux pas donner plus de détails, parce que bien entendu, ces discussions ont lieu présentement.

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

La ministre a d’ailleurs ajouté que le Canada s’apprêtait à frapper le Kremlin de nouvelles sanctions.

Les autres nations garantes du pacte seraient les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine et Russie – ainsi que la Turquie, l’Allemagne, l’Italie, Israël et la Pologne, a détaillé M. Arakhamia. Dans le camp opposé, Moscou a communiqué son projet de « réduire radicalement [son] activité militaire en direction de Kyiv et Tchernihiv ».

Au chapitre des préoccupations canadiennes : participer à une opération militaire multilatérale aux côtés de pays avec lesquels on n’a pas de tradition de collaboration n’est pas une mince affaire. « Il y a beaucoup de questions sur la façon dont le mécanisme fonctionnerait, et avec qui on le ferait », a relevé une autre source gouvernementale qui s’est aussi exprimée de manière anonyme, n’ayant pas la permission de discuter de l’enjeu publiquement.

Un appui à l’enquête de la CPI

Sur le front juridique, le gouvernement canadien a annoncé mardi l’envoi de nouveaux enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Ukraine pour contribuer à l’élaboration du dossier de la Cour pénale internationale (CPI) sur l’invasion russe.

Les limiers seront « affectés à des équipes qui travaillent pour mettre un terme à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves […] dont le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité », a déclaré dans un communiqué le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Sept enquêteurs de la GRC viendront rejoindre les trois qui se trouvent déjà sur place, a-t-on indiqué au bureau du ministre.

L’équipe qui prendra le chemin de l’Ukraine « a les qualifications, l’expérience et l’expertise pour recueillir les preuves maintenant, sur le terrain, qui peuvent être utilisées dans un [procès] à l’avenir », a expliqué le ministre Mendicino en mêlée de presse. Cette cueillette d’informations passe entre autres par la réalisation d’entrevues ou l’accumulation de preuves matérielles, a-t-il poursuivi.

Le tribunal de La Haye, aux Pays-Bas, a annoncé le 2 mars dernier l’ouverture d’une enquête sur de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par Moscou.

Un « message très fort », mais…

Le message qu’envoie le Canada est « très fort », estime Pascal Paradis, directeur général d’Avocats sans frontières. « On dit que la justice internationale, c’est important […] et on va faire en sorte que lumière soit faite, qu’il y ait des enquêtes et que la CPI ait en main les outils qu’il lui faut, les ressources qu’il lui faut », expose-t-il.

Il y a un « envers à la médaille », tient-il à faire remarquer. « La justice pénale internationale n’a pas un effet immédiat. Il ne faut pas penser que c’est quelque chose qui va déboucher dans les prochains jours, même les prochaines semaines et les prochains mois, et que ça aura un impact immédiat sur les hostilités. C’est une entreprise à long terme. »

Avec l’Agence France-Presse