(Ottawa) Le Canada compte imposer de nouvelles sanctions économiques « sous peu » contre la Russie afin d’accentuer la pression sur le régime de Vladimir Poutine qui bombarde sans relâche plusieurs villes ukrainiennes. Il en va de l’existence même de l’Occident, selon la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

« Il y aura d’autres sanctions économiques contre des individus, contre des entreprises et certainement on va continuer à isoler économiquement la Russie », a répondu la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, à la question d’un journaliste lors d’une mêlée de presse lundi.

Elle venait tout juste de prononcer un discours lors d’un déjeuner organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal.

Le Canada et ses alliés doivent maintenir la pression sur le président russe Vladimir Poutine qui est « imprévisible » et qui fait preuve « d’irrationalité » parce qu’il représente une menace pour la « stabilité mondiale », selon elle.

« On ne peut pas faire en sorte qu’il gagne la guerre, a-t-elle affirmé. Les Ukrainiens doivent absolument gagner, c’est une question existentielle pour le monde occidental. »

Le Canada a imposé des sanctions à plus de 1000 personnes et entités russes et biélorusses, a interdit les importations de pétrole brut en provenance de la Russie, a fermé son espace aérien et ses eaux aux avions et aux bateaux russes. La Russie a également été exclue du système de transactions bancaires internationales SWIFT.

« Le monde a changé depuis le 24 février, la géopolitique mondiale a changé et on est en train peu à peu de prendre conscience des impacts », a-t-elle affirmé lors d’un entretien avec le professeur Stéphane Roussel de l’École nationale d’administration publique (ENAP) qui a suivi son allocution.

L’évènement a été brièvement interrompu par un manifestant contre la guerre qui s’est fait sortir de la salle par un agent de sécurité.

Interrogée sur l’effet boomerang des sanctions contre la Russie au Canada, Mme Joly a rappelé qu’elles visaient à « isoler économiquement, politiquement, diplomatiquement, socialement » le régime du président Vladimir Poutine afin « de mettre un maximum de pression ».

« En même temps, ça crée certainement des opportunités pour le Canada du point de vue économique, mais aussi des défis », a-t-elle affirmé.

La ministre a donné pour exemple la décision de l’Australie de mettre fin à ses exportations de bauxite en Russie. « 20 % de tout l’aluminium qui est fabriqué en Russie provient de la bauxite australienne, donc ça, c’est sûr que ça a un impact sur nos alumineries ici, a-t-elle expliqué. Ça crée une opportunité. »

La potasse extraite des mines en Saskatchewan pourrait remplacer celle de la Russie. « La Suède, la Belgique et le Brésil ont cogné à notre porte parce que normalement, leur potasse vient de la Biélorussie ou encore de la Russie », a-t-elle ajouté.

Et l’expertise du Québec avec l’hydrogène pourrait servir à l’Allemagne, qui est à la recherche de nouvelles sources d’énergie pour remplacer le gaz naturel qu’elle achète aux Russes.

La ministre Joly n’a fait aucune mention du gaz naturel qui pourrait être exporté du Canada vers l’Europe. Les conservateurs y voient une occasion de développement pour l’industrie du pétrole et du gaz. Une motion du député Michael Chong demandant que le gouvernement autorise la construction de nouveaux gazoducs vers l’océan Atlantique a été rejetée lundi après-midi : 212 élus ont voté contre et 115 ont voté pour.

L’une des grandes répercussions à l’échelle planétaire de la guerre en Ukraine, « l’un des greniers du monde entier », sera alimentaire. La Russie est le premier vendeur de blé au monde et l’Ukraine le cinquième, selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies. L’agence onusienne estime que « 8 à 13 millions de personnes supplémentaires » pourraient ainsi souffrir de malnutrition cette année.

« Ça va affecter certainement une grande partie du Moyen-Orient et de l’Afrique, a indiqué Mme Joly. Alors nous, en tant que pays qui est un grand producteur de céréales, ça va être important qu’on joue notre rôle parce que sinon, il va y avoir certainement des déséquilibres qui vont être créés dans différentes régions du monde. »

Le fait que 141 des 193 pays membres des Nations Unies ont voté au début du mois pour une résolution exigeant la fin de la guerre en Ukraine lui donne espoir. La Chine faisait partie des 35 pays qui se sont abstenus.

Mme Joly a dit souhaiter que la Chine joue son rôle au Conseil de sécurité de l’ONU « pour ne pas empirer le conflit ».

- Avec La Presse Canadienne