(Berlin) Le premier ministre Justin Trudeau a insisté, mercredi à Berlin, sur le fait que la démocratie ne peut être tenue pour acquise et que celle-ci n’a pas été à son meilleur ces dernières années.

« Il faut être constamment vigilants pour défendre nos valeurs et les institutions qui les protègent », a-t-il déclaré en français au cours d’un discours prononcé devant la Conférence de Munich sur la sécurité.

Il a soutenu que les leaders comme lui doivent s’atteler à ce travail même en faisant face à l’invasion russe en Ukraine, mentionnant les effets pervers de salves de désinformation et de cynisme.

M. Trudeau a aussi évoqué au passage les baisses constatées dans les taux de participation à des scrutins et le déclin de la confiance envers les institutions démocratiques.

« C’est notre travail de rebâtir cette confiance, de donner des raisons aux gens d’avoir foi en nos institutions, de s’impliquer dans la vie civique », a ajouté le premier ministre, en anglais, au milieu de son séjour en Europe.

M. Trudeau n’a pas manqué de critiquer vertement le régime russe de Vladimir Poutine en matière de désinformation.

« Soyons clairs : la propagande et les cyberattaques nuisent à notre économie et minent la confiance des gens envers nos institutions », a-t-il lancé en français.

Ainsi, le Canada et l’Allemagne se sont engagés à augmenter leur contribution respective au Mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7 « en portant une attention particulière aux pays visés par les tactiques malveillantes de la Russie », a indiqué le premier ministre.

Le MRR, mis en place dans la foulée du Sommet du G7 de Charlevoix, en 2018, vise à mieux coordonner la réponse des pays membres de l’organisation internationale face aux menaces contre la démocratie.

Par ailleurs, M. Trudeau a mentionné qu’il y aura de nombreuses réflexions en répondant à une des membres de l’auditoire qui lui a demandé si l’Occident aurait pu faire des choses différemment face aux « drapeaux rouges » venant de la Russie, ces dernières années.

« Nous aurions pu répondre plus fortement à (l’annexion de) la Crimée. Nous aurions pu faire beaucoup de choses différentes », a-t-il notamment dit.

Plus tôt mercredi, M. Trudeau a annoncé que le Canada enverra 50 millions supplémentaires en « équipement militaire hautement spécialisé ». Cela comprend des caméras de fabrication canadienne pour des drones de surveillance.

M. Trudeau s’est rendu à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz afin d’aborder la réponse à l’invasion russe en Ukraine ainsi que l’aide nécessaire au peuple ukrainien.

« Nous avons obtenu un certain nombre d’équipements spécialisés, notamment des caméras utilisées dans des drones fabriqués par une entreprise canadienne, que nous pourrons commencer à envoyer dans les prochains jours vers l’Ukraine », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse avec M. Scholz.

M. Trudeau a reconnu que la logistique de l’acheminement de l’équipement en Ukraine n’a pas été facile. « Il y a des défis aux frontières pour faire passer l’équipement en toute sécurité entre les mains des Ukrainiens, a-t-il déclaré. Mais nous y travaillons avec des partenaires aux côtés de tous les alliés qui sont confrontés à des défis logistiques réels, mais pas insurmontables. »

Par ailleurs, le premier ministre a aussi indiqué avoir eu un entretien téléphonique avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et que ce dernier a accepté une invitation à s’adresser éventuellement au Parlement canadien.

Le président Zelensky a écrit sur Twitter que les deux hommes avaient « convenu de nouvelles mesures diplomatiques » contre Moscou. « Le Canada est aux côtés de l’Ukraine. Nous le ressentons tous les jours. »

L’appel est intervenu 14 jours après que les troupes russes ont commencé à affluer en Ukraine lors d’une invasion qui, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, a tué plus de 400 civils.

Après l’appel de mercredi, M. Trudeau a effectué une visite solennelle au « Quai 17 », à Berlin, un mémorial situé à la gare où 50 000 juifs ont été déportés vers des ghettos, des camps de travail et des camps de concentration pendant l’Holocauste.

Cette visite était poignante, considérant que le président russe, Vladimir Poutine, a faussement justifié son attaque contre l’Ukraine en soutenant qu’il essayait de sauver le pays des nazis. Le président Zelensky est juif.

Sous un ciel bleu matinal, M. Trudeau a fait une promenade solennelle le long du quai en acier de la gare, accompagné d’un petit groupe qui comprenait un guide, l’ambassadeur du Canada en Allemagne, Stéphane Dion, et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

M. Trudeau s’est arrêté en silence pendant quelques instants après avoir déposé des fleurs près d’une plaque au bout du quai, et il a fait le signe de la croix avant de partir. Il n’a pas parlé aux journalistes.

Le premier ministre poursuivra son séjour en Europe jusqu’à vendredi. Son bureau a précisé qu’il rencontrera la vice-présidente américaine, Kamala Harris, en Pologne jeudi soir pour parler de la situation en Ukraine.

Avec des informations d’Émilie Bergeron, à Ottawa