(Halifax) La confiance du public envers l’enquête publique sur la tuerie survenue il y a près de deux ans en Nouvelle-Écosse sera sapée si les agents de la GRC ne sont pas contraints à aller y témoigner, disent des experts.

Le syndicat représentant les agents de la GRC, la Fédération de la police nationale, a dit souhaiter que les 18 policiers étant intervenus lors de cette tuerie qui a fait 22 morts en avril 2020 ne témoignent pas puisqu’ils courent le risque d’être à « nouveau traumatisés ».

Christopher Schneider, un professeur de sociologie de l’Université de Brandon, au Manitoba, les commissaires auront à trouver un équilibre entre le bien-être des témoins et le droit du public à savoir ce qui s’est passé.

« Les témoignages des policiers sont essentiels pour avoir un tableau complet de ce qui s’est passé afin de nous assurer que cela ne se produise plus jamais, dit-il. C’est vraiment important de rétablir la confiance de la population. La GRC doit être contrainte à fournir des témoignages. »

Le Pr Schneider n’accepte pas la suggestion de la Fédération qui dit que les précédentes déclarations non assermentées devraient suffire pour l’enquête.

On pourrait supposer que la GRC veut cacher quelque chose. C’est peut-être ce qu’elle veut. On ne le sait pas.

Christopher Schneider, professeur de sociologie de l’Université de Brandon

Tamara Cherry, une spécialiste des communications qui travaillent auprès de victimes de traumatismes et des médias, dit comprendre pourquoi certains survivants de la tuerie et des proches des victimes peuvent croire que la GRC essaie de cacher quelque chose. Selon elle, les policiers devraient témoigner, mais ils doivent être écoutés en tenant compte des traumatismes possibles. Pour y parvenir, la clé réside dans une préparation minutieuse.

« Il faut avoir des conversations attentionnées à chaque étape du processus, souligne Mme Cherry en rappelant qu’une policière de la GRC figurait parmi les victimes du tueur. Il faut réfléchir à chaque action, à chaque décision, aux questions potentiellement dangereuses pour quiconque sera dans la salle. »

Elle souhaite que tous les avocats impliqués au sein de la commission d’enquête soient bien formés sur les procédures visant à éviter les traumatismes, ajoute-t-elle.

« On ne pourra pas évoquer cet argument si la commission s’assure d’avance que toutes les questions seront posées de façon appropriée. »

Par exemple, on peut s’assurer que les questions ne déclencheront aucun traumatisme aux témoins. De plus, on peut prévoir de l’aide pour eux.

Selon Wayne MacKay, professeur émérite de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, il faudra s’assurer à ne pas déclencher des traumatismes aux policiers.

« Il existe sûrement des moyens créatifs et innovateurs, peut-être des façons plus traditionnelles, pour s’assurer que les témoins ne seront pas affectés pendant les interrogatoires et les contre-interrogatoires », dit-il.

Accepter de ne pas demander à un témoin de comparaître peut nuire à la confiance de la population envers la commission d’enquête.

Le Pr MacKay rappelle que les efforts de la GRC pour tenter de mettre un terme à la tuerie sont au cœur de la commission.

« Il n’y a aucune façon pour parler de ce sujet horrible sans causer un malaise chez une grande variété de gens », souligne-t-il.

Le professeur veut que la commission assigne des agents à comparaître si la GRC tente d’empêcher de témoigner. Et il souligne aussi l’importance de permettre aux avocats des familles des victimes de les contre-interroger.

« C’est la meilleure façon d’obtenir la vérité, lance le PMacKay, disant que les rumeurs et machines à complots fonctionnent à plein régime après les 15 premiers mois d’activité de l’enquête qui s’est déroulée à huis clos jusqu’à présent.

« Avoir des témoignages qui ne sont pas vérifiés jette une ombre à laquelle la commission ne pourrait pas échapper. »