(Ottawa) Le gouvernement fédéral ne lèvera pas l’exigence de visa pour les Ukrainiens qui fuient leur pays. Il mise plutôt sur d’autres mesures pour accélérer leur arrivée au Canada : une nouvelle autorisation de voyage d’urgence et une voie spéciale de parrainage pour la réunification familiale.

La guerre en Ukraine a débuté il y a huit jours lorsque la Russie a envahi sa voisine et procédé à des frappes aériennes. Un million d’Ukrainiens se sont enfuis dans les pays limitrophes, selon le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filipo Grandi.

Ils pourront obtenir une autorisation pour faire un voyage d’urgence au Canada et y rester jusqu’à deux ans. Celle-ci devrait être offerte dans deux semaines. Le gouvernement n’imposera aucune limite sur le nombre d’Ukrainiens qui pourront faire une telle demande. Les Ukrainiens seront toutefois soumis à une enquête de sécurité et à une analyse biométrique avant leur arrivée au pays.

Un nombre important de ces gens ne veulent pas s’installer de façon permanente au Canada. Ils veulent retourner chez eux lorsque ce sera sécuritaire.

Sean Fraser, ministre de l’Immigration, en entrevue

Le gouvernement fédéral accélérera également le processus de réunification familiale pour ceux qui veulent rejoindre leurs proches et obtenir la résidence permanente. Le ministre a promis davantage de détails au cours des prochaines semaines.

Les Ukrainiens qui se réfugieront au Canada pourront demander un permis de travail ouvert, ce qui facilitera leur embauche.

Levée des visas réclamée

Bien que la nouvelle autorisation de voyage d’urgence vise à éliminer plusieurs exigences normalement requises par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, elle ne lève pas l’exigence de visa comme le réclamaient l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration et les trois partis de l’opposition à la Chambre des communes.

C’est un peu long, Dieu sait où les Ukrainiens vont être dans deux semaines.

Alexandre Boulerice, député néo-démocrate

« Après ça, on ne sait pas combien de temps ça va prendre pour traiter les demandes », a fait valoir la députée bloquiste Christine Normandin lors de la période des questions. « Ce n’est pas comme si Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada nous avait habitués à la rapidité. »

« Le gouvernement peut-il faire preuve d’empathie et de souplesse [...] et permettre aux Ukrainiens de venir sans visa au Canada, là, maintenant ? », a demandé la députée conservatrice Dominique Vien.

Le ministre Sean Fraser soutient qu’il était plus simple pour le gouvernement de créer l’autorisation de voyage d’urgence que de carrément lever l’exigence de visa. « Ça aurait nécessité des changements dans notre système informatique qui auraient également affecté l’Agence des services frontaliers et le ministère des Transports », a-t-il indiqué

En conférence de presse, M. Fraser a soutenu que la levée du visa aurait aussi « ouvert la porte » à des gens que le Canada ne veut pas accueillir, comme les séparatistes russes qui ont combattu l’armée ukrainienne dans la région du Donbass et ceux qui soutiennent actuellement l’armée russe.

Et les Russes ?

Le Canada serait-il prêt à accepter des immigrants russes qui fuient la situation économique de plus en plus difficile dans leur pays ? « Je suis certain que des gens sont en train de réfléchir à ça, a dit le premier ministre Justin Trudeau. Je suis plus préoccupé par les Ukrainiens qui sont victimes de cette agression russe, pour l’instant. »

Même si certains Russes sont en désaccord avec la guerre voulue par leur président, Vladimir Poutine, ils obtiendront peu de sympathie de la part de la communauté internationale, selon Fen Hampson, professeur émérite de relations internationales de l’Université Carleton, à Ottawa, et président du Conseil mondial pour les réfugiés et la migration.

« Un Russe qui essaie de sortir de son pays parce qu’il n’aime pas ce qui est en train d’arriver n’est pas dans la même position que quelqu’un dont la maison vient d’être détruite par une bombe, souligne-t-il. Il y a des risques immédiats en Ukraine de se faire tirer dessus et d’être tué par une force étrangère qui cible des civils. »

Seule exception : les gens qui militent pour les droits de la personne et les journalistes dont la vie est menacée par le régime de Vladimir Poutine.