(Ottawa) Une coalition nationale pour la protection des libertés civiles affirme qu’une division secrète de l’Agence du revenu du Canada cible injustement les organismes de bienfaisance musulmans pour des vérifications en s’appuyant sur un raisonnement fragile, équivalant à de la discrimination.

Un rapport récemment publié par la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles indique que la Division de la revue et de l’examen de la direction des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu travaille avec les agences de sécurité nationale pour effectuer les audits, avec peu de responsabilité ou d’examen indépendant.

Le rapport indique que de 2008 à 2015, 75 % des organisations dont le statut d’organisme de bienfaisance a été révoqué à la suite d’audits de la division étaient des organisations caritatives musulmanes, et qu’au moins quatre autres ont vu leur statut retiré depuis.

Il note que malgré ces révocations, pas une seule organisation caritative musulmane ni aucun individu associé à une organisation n’ont été accusés d’un crime lié au financement du terrorisme.

Le groupe de surveillance des libertés civiles basé à Ottawa est une coalition de dizaines d’organisations établie pour protéger et promouvoir les droits de la personne et les libertés civiles dans le contexte des lois sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme.

Dans une première réponse aux questions sur le rapport, l’Agence du revenu du Canada a déclaré qu’elle ne sélectionnait pas les organismes de bienfaisance enregistrés pour une vérification en fonction d’une foi ou d’une dénomination particulière, ajoutant qu’elle était fermement dédiée à la diversité, à l’inclusion et à la lutte contre le racisme.

Si une non-conformité est identifiée à la suite d’un audit, l’agence offre généralement à un organisme de bienfaisance la possibilité de corriger les problèmes, a-t-elle déclaré.

« Seule une très faible proportion des vérifications d’organismes de bienfaisance menées par l’ARC entraînent des conséquences graves telles que des sanctions ou une révocation. »

Le rapport note qu’au cours des deux dernières décennies, l’agence du revenu a audité entre 600 et 800 organismes de bienfaisance par an, la grande majorité choisis au hasard.

Le rapport fait la distinction entre ces audits et ceux spécifiquement sélectionnés par la Division de la revue et de l’examen (DRE) en raison de préoccupations liées au financement du terrorisme.

Selon les déclarations des responsables de l’agence, de 2008 à 2015, la DRE a effectué des audits de 16 organismes de bienfaisance, dont huit ont vu leur statut d’organisme de bienfaisance révoqué, selon le rapport.

Sur ces huit, six étaient des organisations caritatives musulmanes, représentant 75 % des révocations de la Dre au cours de cette période, ajoute le rapport. Deux autres organisations caritatives musulmanes ont vu leur statut révoqué au cours de la période, mais on ne sait pas si elles ont été auditées par la division.

Le groupe de protection des libertés civiles affirme que le processus d’audit et de possible révocation a également créé un effet dissuasif qui nuit au secteur caritatif musulman au Canada.

La création du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement en 2018 et de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement l’année suivante ont offert de nouvelles occasions d’effectuer un examen indépendant du processus, mais cela n’a pas encore eu lieu, indique le rapport.

Il demande au gouvernement Trudeau de renvoyer la question à l’office de surveillance, connu sous l’acronyme OSSNR, pour un examen des processus de la Division de la revue et de l’examen afin de s’assurer que les organisations ne sont pas ciblées en raison de préjugés raciaux ou religieux.

Le groupe souhaite également que la ministre du Revenu, Diane Lebouthillier, déclare un moratoire immédiat sur l’audit ciblé des organisations caritatives musulmanes jusqu’à ce que l’examen soit terminé. Cela permettrait toujours à l’agence d’auditer les organisations caritatives musulmanes sélectionnées au hasard.

En outre, le rapport recommande que le ministère des Finances réexamine le paysage réglementaire, politique et législatif antiterroriste, en particulier une évaluation fédérale des risques de 2015 et ses effets sur la communauté musulmane.