(Ottawa) Si des élections fédérales ont lieu pendant la pandémie de COVID-19, Élections Canada n’empêchera pas les électeurs qui se présentent à un bureau de scrutin sans masque d’exercer leur droit de vote.

« Les électeurs qui ne portent pas de masque peuvent entrer et voter. On ne demandera pas aux électeurs pourquoi ils ne portent pas de masque ni de preuve d’exemption médicale », révèle un récent document interne d’Élections Canada obtenu par La Presse portant sur les préparatifs en prévision d’un possible scrutin en temps de pandémie.

La raison est fort simple. Le droit de vote est un droit constitutionnel protégé par la Charte des droits et libertés. Empêcher un électeur de l’exercer parce qu’il ne porte pas de masque, malgré les consignes sanitaires en vigueur dans une province, ne passerait pas l’épreuve des tribunaux, souligne-t-on chez Élections Canada.

« Le directeur général des élections (DGE) doit également trouver un équilibre entre les mesures de santé publique et le droit constitutionnel de voter », affirme-t-on également dans le document de six pages.

Éviter les affrontements

Autre facteur qui motive cette décision, on veut éviter des affrontements dans les bureaux de scrutin le jour du vote entre des électeurs réfractaires au port du masque et les employés d’Élections Canada.

Toutefois, le directeur du scrutin dans une circonscription pourra refuser l’entrée à des électeurs qui ont la COVID-19 ou qui croient être porteurs du virus, même si cela les empêcher de voter. Car ces électeurs atteints du virus représenteront une menace à la sécurité des autres électeurs et des travailleurs du scrutin.

« Les lois et les règlements provinciaux s’appliquent à une élection fédérale, uniquement dans la mesure où ils n’interfèrent pas avec cette élection. Si une ordonnance de santé interfère avec la conduite d’une élection, Élections Canada n’est pas limitée par cette ordonnance de santé », ajoute-t-on.

Au provincial

Des élections provinciales ont eu lieu dans quatre provinces depuis l’automne dernier, soit au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et, plus récemment, à Terre-Neuve-et-Labrador, où le scrutin en personne a toutefois été suspendu au dernier moment.

Dans ces provinces, la même directive au sujet du port du masque a été suivie. « Mais cela n’a pas été un enjeu dans ces provinces », a-t-on indiqué.

Au cours des derniers mois, des manifestations antimasques ont eu lieu dans certaines villes du Québec. Alors que la troisième vague prend de l’ampleur, le gouvernement Legault a décidé cette semaine d’imposer le masque ou le couvre-visage lors d’activités extérieures en groupe avec des personnes de ménages différents, y compris la marche et tout autre loisir.

Des élections municipales doivent avoir lieu au Québec le 7 novembre. Élections Québec veille au bon déroulement de ces élections. Une porte-parole d’Élections Québec, Julie St-Arnaud Drolet, a indiqué que l’on demanderait aux présidents d’élection « de veiller au respect des mesures sanitaires en vigueur tout au long du processus électoral, ce qui inclut le port du masque lors du vote ».

Des mesures sanitaires prévues

Un porte-parole d’Élections Canada, Matthew McKenna, a indiqué que des masques jetables seront offerts à tout électeur qui n’en a pas et que l’on recommandera « fortement » aux électeurs de porter un masque pendant qu’ils seront à l’intérieur du bureau de vote. Tous les préposés au scrutin et autres travailleurs électoraux, les candidats et leurs représentants devront porter des masques dans les bureaux de vote.

« Nous devons trouver le juste équilibre entre la santé publique et le droit de vote des électeurs garanti par l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Si un électeur refuse de porter un masque, il ne sera pas refusé. Élections Canada reconnaît que certains électeurs ne peuvent pas porter de masque pour des raisons médicales, par exemple, et nous respecterons le droit de vote de ces électeurs », a dit M. McKenna.

Il a aussi souligné que des mesures de santé et de sécurité seront en vigueur dans les bureaux de vote.

Il y aura des postes de désinfection pour les mains aux entrées et aux sorties. La distanciation physique sera de rigueur et une signalisation directionnelle sera affichée dans tout le bureau de vote.

Matthew McKenna, porte-parole d’Élections Canada

« Pour réduire le nombre d’interactions avec les électeurs, il n’y aura qu’un seul préposé par table et cette personne travaillera derrière un écran de plastique rigide », ajoute le porte-parole.

Une directive qui soulève des questions

Selon Hugo Cyr, professeur de droit et de science politique à l’Université du Québec à Montréal, la directive d’Élections Canada soulève de nombreuses questions.

« Élections Canada n’est peut-être pas en mesure d’exiger le port du masque. Mais est-ce que d’autres acteurs pourraient le faire ? Les provinces pourraient-elles par exemple exiger qu’une personne porte un masque pour se rendre jusqu’à l’urne ? La santé est de compétence provinciale. Donc, il y a un enjeu de fédéralisme associé à tout cela », a analysé M. Cyr.

Le premier ministre Justin Trudeau dirige un gouvernement minoritaire à la Chambre des communes depuis octobre 2019. La durée de vie moyenne d’un gouvernement minoritaire est d’environ 18 mois.

Les trois partis de l’opposition ont affirmé à tour de rôle qu’ils ne veulent pas d’élections au printemps tant que la population n’aura pas été vaccinée.