(Ottawa) L’autorité iranienne de l’aviation civile conclut que c’est l’erreur d’une unité de défense aérienne qui est à l’origine de l’écrasement d’un avion de ligne ukrainien, abattu par l’armée iranienne en janvier 2020. Un rapport d’enquête que le gouvernement canadien a rejeté mercredi comme étant insuffisant.

Deux missiles ont été tirés sur le vol 752 des lignes aériennes Ukraine International peu de temps après son décollage de Téhéran, le 8 janvier 2020, lorsque « l’avion a été identifié à tort comme une cible hostile par une unité de défense aérienne », indique le rapport final du Bureau d’enquête sur les accidents d’aéronefs de la République islamique d’Iran.

Le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, et son collègue des Transports, Omar Alghabra, ont immédiatement rejeté le document, qui avait été publié sur le site de l’Organisation de l’aviation civile iranienne.

« Le rapport ne tente pas de répondre aux questions critiques concernant ce qui s’est vraiment passé. Il semble incomplet et ne contient ni faits ni preuves tangibles », indiquent les deux ministres dans un communiqué commun. « Nous demeurons profondément préoccupés par le manque d’informations et de preuves convaincantes, malgré la publication de ce rapport d’enquête. »

Le gouvernement canadien réclame toujours sur cette tragédie « une enquête complète et transparente, conforme aux normes internationales, afin de répondre à toutes les questions critiques en suspens », rappellent les ministres. En vertu du droit international en matière d’aviation civile, c’est le gouvernement iranien qui a mené l’enquête sur cette tragédie survenue sur son territoire.

Fermer l’espace aérien ?

Le rapport, que le Bureau de la sécurité des transports du Canada doit commenter jeudi en conférence de presse, confirme donc ce que l’armée iranienne avait admis l’année dernière : la tragédie a été causée par une erreur humaine, une explication jugée insuffisante par les pays qui ont perdu des ressortissants dans l’écrasement.

Les 176 personnes à bord du Boeing sont mortes dans l’écrasement, dont 55 citoyens canadiens, 30 résidents permanents et des dizaines d’autres passagers qui se rendaient au Canada, via Kiev.

Au lendemain de l’écrasement, Téhéran avait d’abord nié toute implication, mais trois jours plus tard, le régime iranien a admis que l’avion de ligne avait été abattu par accident après avoir été pris pour un missile, au milieu de tensions accrues avec les États-Unis. Cet aveu est toutefois venu après que des images vidéo, apparues sur les réseaux sociaux, semblaient montrer au moins un missile frapper l’avion de ligne.

Des Gardiens de la révolution ont abattu le Boeing 737-800 à destination de Kiev le 8 janvier, cinq jours après que le président américain de l’époque, Donald Trump, a ordonné une frappe aérienne de drone pour exécuter un important général iranien, Qassem Soleimani, près de l’aéroport de Bagdad, en Irak voisine. En représailles, l’Iran venait de lancer des missiles en Irak sur deux bases militaires américaines.

Or, les ministres canadiens se demandent mercredi pourquoi, en cette « période d’hostilités accrues », l’Iran « n’a pas mis en place les mesures nécessaires, telles qu’une fermeture complète de son espace aérien, pour éviter une telle tragédie ».

« Cascade d’erreurs »

Les enquêteurs iraniens font état d’une cascade d’erreurs qui auraient conduit au lancement fatal des deux missiles sur l’avion de ligne. Tout d’abord, une lecture incorrecte de la trajectoire de l’avion, en raison d’une « erreur humaine », a amené un opérateur militaire à croire que l’appareil se dirigeait vers Téhéran, à basse altitude, alors qu’il se dirigeait en fait vers l’ouest, s’éloignant de l’aéroport de la capitale.

L’opérateur a alors tenté d’alerter son centre de commandement, « mais le message n’a jamais été relayé », indique le rapport. « Sans avoir reçu de feu vert ou de réponse du centre de commandement, l’opérateur a estimé que la cible était effectivement hostile et il a tiré un missile sur l’avion, à l’encontre de la procédure prévue. »

La première ogive a explosé près de l’avion, projetant plus de 2500 éclats d’obus vers l’appareil à près de 6500 km/h – plus de cinq fois la vitesse du son –, endommageant le Boeing et ses systèmes de navigation, mais laissant son intégrité structurelle intacte, selon le rapport. « Les trois membres d’équipage dans la cabine de pilotage étaient tous encore en vie. Ils semblaient n’avoir subi aucune blessure physique. »

Mais le deuxième missile a « probablement » affecté l’avion, qui a plongé, s’est écrasé près de l’aéroport et a explosé à l’impact six minutes après le décollage et trois minutes après l’explosion du premier missile, indique le rapport.

« Justice et transparence »

Depuis la tragédie, le premier ministre Justin Trudeau a exhorté l’Iran « à fournir la transparence, la responsabilité et la justice que les victimes et leurs proches méritent ». En décembre dernier, Téhéran s’est engagé à verser 150 000 $ à chaque famille qui a perdu un proche dans l’avion, mais l’offre a été rejetée par Ralph Goodale, ancien ministre libéral de la Sécurité publique qui a été nommé conseiller spécial du Canada pour la réponse continue à la tragédie.

M. Goodale a alors déclaré que l’Iran n’avait pas le droit d’offrir unilatéralement une compensation aux familles des victimes. Il a aussi précisé que le montant final serait soumis à des négociations entre l’Iran, le Canada et les quatre autres pays dont des ressortissants ont été tués dans l’écrasement – le Royaume-Uni, l’Ukraine, l’Afghanistan et la Suède.

Le 8 janvier dernier, au premier anniversaire de la tragédie, M. Trudeau a promis que le Canada faciliterait l’accès à la résidence permanente à certains membres des familles, tandis que ceux qui sont déjà au pays pourraient demander à y rester. Il a également désigné le 8 janvier « Journée nationale de commémoration des victimes de catastrophes aériennes ». Le gouvernement fédéral a également annoncé que des bourses d’études seraient créées à la mémoire des victimes du vol 752.