(Ottawa) Des documents récemment publiés montrent que Statistique Canada a envisagé de reporter le recensement de cette année jusqu’en 2022 en raison d’inquiétudes liées à la pandémie.

Un document de l’agence indique que le plan du recensement de 2021 avait été élaboré dans un « contexte opérationnel normal », qui aurait vu des dizaines de milliers d’employés permanents et temporaires interagir entre eux et avec les Canadiens.

Mais en pandémie, note le document, ce plan avait « une forte probabilité d’échec ».

La façon dont Statistique Canada a repensé l’opération de recensement de cette année se trouve dans les 50 pages de rapports et de présentations internes obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

L’agence a finalement décidé d’aller de l’avant avec le recensement de cette année en utilisant un plan qui repose davantage sur les formulaires de recensement en ligne que sur des interactions en personne.

Jan Kestle, présidente et chef de la direction d’Environics Analytics, a déclaré que le recensement devait se dérouler comme prévu cette année pour obtenir une lecture de base sur l’état de situation des familles, des communautés et des entreprises, afin de guider la prise de décisions pour une reprise post-pandémique.

« Ce n’est pas comme si nous étions dans une période où nous vivons quelque chose de bizarre pendant un mois. Nous avons vécu pendant un an [avec la pandémie] et nous allons vivre longtemps avec ses répercussions », a-t-elle souligné.

« Il est extrêmement important d’avoir un recensement aussi efficace que possible pour la reprise économique et la santé des Canadiens. »

Les résultats du recensement peuvent aider à remodeler les circonscriptions électorales et à déterminer le financement fédéral des provinces pour les soins de santé et des villes pour les infrastructures. Les responsables locaux utilisent le recensement pour décider où planifier les nouveaux services de transport en commun, les routes, les écoles et les hôpitaux.

Un recensement prend sept ans à produire, entre le début de la planification et la diffusion des données.

« Il s’agit d’une grosse machine qui ne peut se réajuster en un rien de temps », a expliqué Michael Haan, professeur agrégé de sociologie à l’Université Western et directeur de son Centre de données de recherche de Statistique Canada.

« S’ils voulaient changer de cours en reportant peut-être le recensement d’un an, ou quoi qu’ils aient choisi de faire, il aurait fallu qu’ils aient ces délibérations bien avant le moment du recensement. »

Attendre jusqu’en 2022, après la distribution généralisée des vaccins, pourrait conduire à une opération plus « normale », ont écrit des responsables dans un document, ajoutant que les résultats refléteraient mieux les tendances typiques plutôt qu’« une année atypique de bouleversement sociétal généralisé ».

Mais il passerait également à côté de certains impacts de la COVID-19, y compris les liens entre certaines données détaillées de l’Agence du revenu du Canada et différents quartiers, pour voir tous les effets des programmes d’aide mis en place pendant la pandémie.

« Nous avons déjà un peu une idée, mais il n’y a rien d’aussi précis et complet que le recensement pour donner une image fidèle des difficultés que [la Prestation canadienne d’urgence] a pu nous sauver », a indiqué M. Haan.

En juillet, les responsables ont dit non à l’ajout de questions spécifiques sur la pandémie dans le formulaire de recensement, car ils jugeaient que ce n’était « pas le bon véhicule » pour collecter les informations. De plus, l’ajout d’une question dans un court préavis pourrait être problématique puisque chaque question doit être minutieusement testée.

« Lorsque vous ajoutez un nouveau sujet dans un questionnaire, vous courez le risque de changer la façon dont les gens répondent aux autres questions », a expliqué M. Haan.

Il faut également à l’agence des mois avant de pouvoir publier les données, ce qui signifie que les informations pourraient être loin d’être à jour d’ici 2022 compte tenu de la fluidité de la pandémie.

Le plan de Statistique Canada pour le recensement de cette année repose davantage sur des réponses en ligne et des suivis téléphoniques que sur le porte-à-porte, ouvrant pour la première fois l’option de l’internet à tout le monde au pays.

Geoff Bowlby, directeur général de Statistique Canada responsable du recensement, a déclaré que l’agence s’attendait à ce qu’environ huit personnes sur dix répondent au recensement en ligne.

Les recenseurs qui font du porte-à-porte porteront un couvre-visage et obtiendront des réponses de l’extérieur de la maison plutôt que de l’intérieur, comme lors des cycles de recensement précédents, a ajouté M. Bowlby.

Des centaines de travailleurs embauchés comme administrateurs pour les recenseurs vont travailler à domicile plutôt que dans des bureaux temporaires, a-t-il noté.

Certains travaux ne peuvent pas être effectués à distance, comme dans les centres de numérisation qui transforment les retours papier en données numériques. M. Bowlby a indiqué que l’agence avait ajusté le nombre de travailleurs dans l’installation, les avait divisés en cohortes et avait mis en place un plan de santé et de sécurité comprenant l’approvisionnement en masques N95.

« En fin de compte, nous nous attendons à avoir une réponse élevée au recensement et à obtenir des données de bonne qualité, de la qualité que les Canadiens attendent du recensement, et que ce sera une opération sécuritaire », a-t-il déclaré.