(Ottawa) Une défenseuse des droits de la personne des Nations unies et l’organisation Human Rights Watch Canada affirment que le gouvernement Trudeau n’est pas à la hauteur de sa nouvelle campagne internationale contre la détention arbitraire, puisqu’il a abandonné 25 enfants canadiens coincés dans le nord de la Syrie.

Fionnuala Ni Aolain, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, affirme que le Canada est l’un des 57 pays inscrits sur une « liste de la honte », car il ne prendra pas de mesures actives pour rapatrier ses ressortissants étrangers piégés dans des camps sous contrôle kurde dans le nord de la Syrie.

Farida Deif, directrice canadienne de Human Rights Watch, affirme que la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État que le Canada a lancée lundi et qui a été endossée par 57 autres pays est une bonne initiative, qui est nécessaire.

Mais Mme Deif dit que la décision du gouvernement fédéral de ne pas chercher à rapatrier 46 Canadiens — dont 25 enfants, certains d’à peine deux ans — d’un camp de réfugiés du nord de la Syrie renverse tout simplement l’intention de la nouvelle déclaration.

Le patron de Mme Deif à New York, Kenneth Roth, a aidé à élaborer la déclaration, critiquant la Chine pour sa détention arbitraire des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.

Mme Deif s’est jointe à Mme Ni Aolain et d’autres groupes de défense des droits au Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes jeudi, où elles ont renouvelé leurs appels pour que le gouvernement en fasse plus pour rapatrier ses ressortissants coincés en Syrie.

« Leur détention est indéniablement arbitraire et n’implique aucune procédure régulière ni aucune protection. Ces déclarations ne signifient rien à moins qu’elles ne soient appliquées aux plus vulnérables », a déclaré Mme Ni Aolain à La Presse Canadienne dans un courriel.

Le gouvernement a réussi à rapatrier une jeune Canadienne orpheline de cinq ans de Syrie en octobre dernier, mais le premier ministre Justin Trudeau et d’autres ministres ont indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention d’aider les autres Canadiens parce que le gouvernement n’a pas de diplomates dans la zone de guerre.

« C’est vraiment stupéfiant que le gouvernement ait annoncé lundi cette déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État, alors qu’en même temps, pendant deux ans, il a fermé les yeux sur la détention arbitraire de 46 de ses propres ressortissants », a dit Mme Deif en entrevue.

Les Canadiens font partie des quelque 10 000 ressortissants étrangers détenus dans des camps dans le nord de la Syrie par les forces kurdes après qu’elles eurent repris le contrôle de la région des mains de Daech (le groupe armé État islamique).

Pas d’accusation

Les Kurdes ont placé en détention environ 64 000 personnes après avoir mis fin au califat de Daech. Les Kurdes soupçonnaient bon nombre d’entre elles d’être des sympathisants de Daech, mais Mme Deif et d’autres défenseurs des droits de l’homme affirment qu’aucune de ces personnes n’a été formellement accusée d’un quelconque crime.

« Des milliers de personnes, y compris des enfants, sont exposées à la violence, à l’exploitation, aux sévices et à la privation dans des conditions qui, à notre avis, correspondent aux pratiques de torture, de traitement inhumain et dégradant en vertu du droit international », a déclaré Mme Ni Aolain au comité jeudi.

« J’exhorte le gouvernement et ce comité parlementaire à concentrer immédiatement leur attention sur la nécessité de faire en sorte que le Canada soit le chef de file dans ce domaine, et non un État qui se trouve sur une liste de honte en ne rapatriant pas ses femmes et ses enfants à la maison. »

Les Kurdes ont appelé les gouvernements étrangers à rapatrier leurs ressortissants.

Déclaration de l’ONU

Dans une déclaration du 8 février, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a appelé les 57 pays à prendre des mesures pour rapatrier leurs ressortissants, qui font face à des menaces croissantes, notamment l’exploitation sexuelle. Elle a été signée par Mme Ni Aolain et une vingtaine d’autres rapporteurs spéciaux de l’ONU-un groupe d’experts indépendants nommés par l’ONU pour traiter de la protection des différents aspects des droits de l’homme.

L’automne dernier, après le rapatriement de l’orpheline de cinq ans, le ministre des Affaires étrangères d’alors, François-Phillipe Champagne, avait déclaré que le gouvernement vérifiait périodiquement le bien-être des Canadiens, mais qu’il n’y avait pas eu de changement dans l’approche gouvernementale de cet enjeu.

« Notre première préoccupation est d’assurer la sûreté et la sécurité des Canadiens ici, au pays », avait déclaré M. Champagne à ce moment.