(Ottawa) Le ministre des Relations Couronne-Autochtones du Canada a déclaré que le gouvernement fédéral publierait bientôt certains des dossiers des pensionnats qu’on lui a reproché d’avoir conservés dans un centre d’archives national.

Marc Miller dit également qu’il n’y a aucune preuve que le cabinet libéral, y compris l’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould, ait été informé d’une décision de 2015 d’abandonner une action en justice qui a permis à l’Église catholique de ne pas indemniser les survivants des pensionnats pour Autochtones.

« Sachant ce que nous savons aujourd’hui, cela ne semble pas juste », a-t-il déclaré à La Presse Canadienne dans une récente entrevue.

En octobre, le Centre national pour la vérité et la réconciliation a déclaré qu’Ottawa n’avait pas encore fourni de documents clés détaillant les histoires spécifiques de chaque institution financée par le gouvernement et gérée par l’Église qui composait le système des pensionnats.

La déclaration est intervenue en réponse au premier ministre Justin Trudeau, qui a dit à des dirigeants autochtones de Kamloops, en Colombie-Britannique, que le gouvernement fédéral avait remis tous les documents en sa possession, une affirmation que le centre basé à Winnipeg a déclarée inexacte.

Parmi les documents manquants, a-t-il noté, figuraient des comptes-rendus scolaires – des rapports compilés par Ottawa décrivant l’histoire d’une institution individuelle, y compris son administration, des statistiques sur le nombre d’enfants autochtones contraints de la fréquenter, ainsi que des évènements clés tels que des rapports d’abus.

Il existe huit de ces comptes-rendus pour des écoles exploitées en Colombie-Britannique et en Alberta que le gouvernement a jusqu’à présent refusé de divulguer en raison d’obligations légales qu’il avait avec des entités de l’Église catholique, a indiqué M. Miller. Le gouvernement a maintenant décidé de les rendre publics, a-t-il ajouté.

Le ministre a déclaré que les rapports seraient fournis au centre dans les 30 jours et que la Conférence des évêques catholiques du Canada en avait été informée.

Le centre et les survivants des pensionnats disent depuis longtemps qu’Ottawa retient d’autres documents, tels que les documents justificatifs utilisés lors du processus d’évaluation pour dédommager les enfants autochtones qui ont été maltraités dans les établissements.

M. Miller a indiqué que le gouvernement examinera les autres dossiers des pensionnats qu’il a retenus sur la base de ce qu’il décrit comme des principes juridiques de privilège appliqués de manière trop large, qui pourraient en fait être divulgués.

« Cela a créé un tourbillon de soupçons légitimes envers le gouvernement fédéral. »

Un document qu’il dit avoir récemment examiné était un accord de 2015 pour exonérer l’Église de son obligation de verser le solde des 79 millions aux survivants des pensionnats. Cela comprenait un engagement à se lancer dans une campagne de collecte de fonds pour amasser 25 millions, qui n’a finalement rapporté qu’environ 3 millions.

Cet accord vieux de plusieurs années a été remis en question après que les Premières Nations ont confirmé la découverte de sépultures anonymes sur d’anciens sites d’écoles, ce qui a conduit les survivants, les dirigeants autochtones et les Canadiens non autochtones à renouveler leurs appels à l’Église catholique pour qu’elle offre un dédommagement.

Au moment de l’accord, le gouvernement fédéral, alors dirigé par l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, avait fait appel à la justice contre une société d’entités catholiques nommée dans le règlement de 2006 pour résoudre un différend entre avocats sur la portée d’un accord permettant aux groupes religieux de se soustraire à leurs obligations restantes.

Un juge de la Saskatchewan a statué en juillet 2015 qu’un accord avait été conclu, libérant les entités catholiques de leurs responsabilités en suspens d’indemniser les survivants en échange de 1,2 million.

Un mois plus tard, Ottawa a fait savoir qu’elle ferait appel. Mais lorsque cet appel a été déposé, le pays a été saisi par une campagne électorale fédérale, qui s’est terminée en octobre avec une victoire des libéraux de M. Trudeau.

Le premier cabinet de M. Trudeau a prêté serment le 4 novembre 2015. Le premier ministre a nommé Mme Wilson-Raybould, alors élue libérale en Colombie-Britannique, comme première ministre de la Justice autochtone du pays.

Six jours plus tard, un avocat du gouvernement a déclaré au tribunal qu’il renoncerait à son appel.

Après avoir examiné l’affaire, M. Miller a déclaré que l’appel a été retiré après que le sous-ministre de la Justice a approuvé un accord d’exonération le 30 octobre 2015.

Il dit que c’est le gouvernement Harper qui a décidé de libérer les entités catholiques de leurs obligations. Selon lui, il n’y a aucune preuve que Mme Wilson-Raybould ou quiconque au sein du cabinet ait été informé de la décision. Compte tenu de la somme d’argent relativement faible en question et compte tenu de la possibilité que l’affaire n’ait pas été considérée comme politique, il a déclaré : « Je peux comprendre comment ça s’est passé. »

« Ça n’aurait pas dû arriver. Et donc on se retrouve dans une situation où on veut assigner un blâme. […] Je ne veux pas être dans cette position. »

« Ça représente un échec moral pour les deux parties. Ça inclut la décision de l’Église catholique de limiter l’indemnisation […], mais aussi, au nom du Canada, nous aurions dû faire appel. »