(Wendake) « Une avancée historique ». C’est en ces mots que des représentants de la nation atikamekw d’Opitciwan et de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) ont décrit mercredi la nouvelle loi sur la protection de la jeunesse adoptée récemment par le Conseil de bande de la communauté. Il s’agit d’une première au Québec.

« C’est un aboutissement, c’est un travail de longue haleine, c’est un travail des chefs qui se sont battus contre les gouvernements », a déclaré le chef d’Opitciwan, Jean-Claude Mequish, en conférence de presse.

L’évènement diffusé en direct sur Facebook s’est déroulé devant une salle comble à l’Hôtel-Musée des Premières Nations de Wendake. Il réunissait plusieurs chefs et directeurs de services sociaux et de protection de la jeunesse autochtone. Ceux-ci ont participé à une « cérémonie d’engagement » envers les enfants, en enveloppant des poupées dans un porte-bébé traditionnel pour symboliser la protection de cette nouvelle loi.

« On n’a pas besoin du Canada à droite, on n’a pas besoin du Québec à gauche, a affirmé le chef de l’APNQL, Ghislain Picard. On est capable de faire les choses nous-mêmes et c’est ça qui est extrêmement significatif. »

La communauté d’Opitciwan a ainsi fait un pas vers son autodétermination. Ses services sociaux privilégieront la famille élargie pour éviter que les enfants en difficulté soient envoyés loin de chez eux et perdent ainsi leur langue et leur culture. La médiation aura préséance sur la judiciarisation des dossiers.

« On ne se le cachera pas, on vit de graves problèmes sociaux », a reconnu Jean-Claude Mequish, en identifiant les logements surpeuplés comme cause.

L’adoption par le Conseil de bande d’Opitciwan de sa propre loi sur la protection de la jeunesse a été rendue possible grâce à C-92. Cette loi fédérale, entrée en vigueur en janvier 2020, reconnaît les compétences des Autochtones, des Inuits et des Métis en matière de services à l’enfance et à la famille.

Or, le gouvernement du Québec a contesté sa constitutionnalité devant la Cour d’appel du Québec. Il estime qu’elle empiète sur son champ de compétence. L’affaire est présentement en délibéré.

« La loi fédérale prévoit que la loi autochtone va être la loi qui va être prépondérante par rapport aux lois du Canada et du Québec, donc je pense que c’est très certainement un aspect qui est très solide qui va, à mes yeux ajouter à notre détermination et également celle de la communauté », a expliqué le chef Picard.

La Loi de la protection sociale atikamekw d’Opitciwan entrera en vigueur le 17 janvier 2022. Entre-temps, la législation québécoise sur la protection de la jeunesse du Québec continuera de s’appliquer.

La communauté entend rapatrier les dossiers présentement à la Direction de la protection de la jeunesse. Des 120 déjà ouverts, environ 80 enfants habitent dans leurs familles élargies. Opitciwan compte 70 familles d’accueil, en incluant celles-ci.

« Malgré la procédure de renvoi entreprise par le Procureur général du Québec, la Loi est présumée constitutionnelle, alors le gouvernement du Québec entend collaborer avec les communautés pour éviter les bris de services aux jeunes », a fait savoir le porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Robert Maranda.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a pris acte de la loi d’Opticiwan. « Dès la sortie du rapport de la Commission Laurent, le ministre Lionel Carmant a rencontré les différents acteurs, dont l’APNQL et Makivik pour partager sa vision et son engagement à mettre en place les changements recommandés par la commission », a indiqué son attachée de presse.

Neuf avis d’intention pour que 15 autres communautés puissent gérer leurs services à l’enfance ont été envoyés aux gouvernements fédéral et québécois. Quatre autres demandes pour permettre à 22 communautés de conclure un accord de coordination ont également été acheminées. Il s’agit de la première étape vers l’adoption d’une loi.

Opitciwan est la quatrième communauté autochtone au pays à se doter de sa propre législation en matière de protection de la jeunesse, après les Nations indépendantes de Wabaseemoong en Ontario, la Première Nation de Cowesness en Saskatchewan et la Première Nation de Louis Bull en Alberta.