(Toronto) Toronto se prépare à demander au gouvernement fédéral de décriminaliser la possession de drogues illicites pour usage personnel dans la ville, affirmant que cette décision est nécessaire, car les décès liés à la drogue atteignent des sommets.

Une consultation publique sur la question s’est terminée cette semaine et la médecin hygiéniste en chef de la ville a déclaré que Toronto prévoyait d’envoyer sa demande à Santé Canada plus tard cet automne.

« À Toronto, les décès impliquant toutes les substances, y compris les opioïdes, ont atteint des niveaux records, a déclaré le Dr Eileen de Villa dans un communiqué. La situation reste urgente et plus d’action est nécessaire pour y répondre. »

La santé publique de Toronto a indiqué qu’un total de 521 décès par surdose d’opioïdes confirmés avaient été enregistrés dans la ville, l’année dernière. Cela représentait une augmentation de 78 % par rapport aux décès enregistrés en 2019, a-t-elle souligné.

Les données de la ville révèlent également qu’au cours des trois premiers mois de cette année, les ambulanciers paramédicaux ont répondu à 1173 appels pour des surdoses potentielles d’opioïdes, dont 93 où il y a eu décès. À titre de comparaison, 46 appels impliquant un décès ont été enregistrés au cours des trois premiers mois de 2020.

La demande de décriminalisation que prépare Toronto – qui demandera à Santé Canada une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour l’usage personnel de drogues dans la ville – fera suite à une demande similaire faite par Vancouver en mai.

Leigh Chapman, une infirmière autorisée et co-organisatrice de la Toronto Overdose Prevention Society, estime que la demande que prévoit faire Toronto constitue « un pas dans la bonne direction ».

Elle a perdu son frère de 43 ans, Brad, à la suite d’une surdose d’opioïdes en août 2015, quelques semaines après sa sortie de prison. Sa mort a entraîné une enquête du coroner qui a donné lieu à une série de recommandations pour mieux protéger les personnes vulnérables vivant avec des dépendances.

L’une des recommandations était que le gouvernement fédéral envisage de décriminaliser la possession de toutes les drogues pour usage personnel et d’augmenter les services de prévention, de réduction des méfaits et de traitement.

Mme Chapman a affirmé que ces mesures auraient pu sauver son frère.

« Toute la vie de Brad aurait été différente s’il n’avait pas eu littéralement un cycle d’incarcération pendant probablement plus de 20 ans par intermittence », a-t-elle déclaré.

Une étude de 2016 publiée dans la revue PLOS ONE a révélé qu’entre 2006 et 2013 en Ontario, un décès par intoxication médicamenteuse sur dix chez les adultes est survenu dans l’année suivant la sortie d’une incarcération provinciale.

« Je pense que nous devons réduire les méfaits de la criminalisation pour pouvoir mieux répondre aux besoins des gens, les rencontrer là où ils se trouvent et voir comment nous pouvons les aider à rester en vie », a dit Mme Chapman.

Le conseiller municipal et président du Conseil de la santé de Toronto, Joe Cressy, a déclaré que le personnel de la ville « consultait actuellement sur les détails de ce à quoi ressemblerait une exemption » en ce qui concerne la décriminalisation des drogues à usage personnel dans la ville la plus peuplée du Canada.

« Nous sommes confrontés à une crise de santé publique, a insisté M. Cressy. Et la façon d’y remédier, c’est avec une réponse sanitaire. »

La décriminalisation est un élément clé d’une série de mesures nécessaires pour lutter contre la crise des surdoses, aux côtés de traitements, d’une augmentation des services de réduction des risques et d’un approvisionnement plus sûr, a-t-il ajouté.

« C’est un élément essentiel et je crois qu’un éventail d’experts, allant des policiers au personnel de la santé, appelle à une telle action à l’échelle nationale, ne fait que croître parce que les gens continuent de mourir de décès évitables », a-t-il déclaré.

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto a récemment publié une déclaration sur la question, affirmant que transformer les criminels en toxicomanes a été inefficace et contre-productif.

Santé Canada n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.