(Winnipeg) Les statues de la reine Victoria et de la reine Élisabeth II érigées sur les pelouses de l’Assemblée législative du Manitoba, à Winnipeg, ont été renversées jeudi lors d’une manifestation en hommage aux victimes et aux survivants des pensionnats fédéraux pour enfants autochtones.

Des manifestants ont utilisé des cordes, nouées autour des deux sculptures, pour les renverser au sol, le jour de la fête du Canada.

La statue de la reine Victoria, une importante structure près de l’entrée principale du parc, a été décapitée et aspergée de peinture rouge. Des empreintes de mains rouges ont aussi été imprimées sur son socle. La tête a été récupérée vendredi dans la rivière derrière l’Assemblée législative par un homme en kayak.

Sur les marches derrière les socles des deux statues, des manifestants avaient disposé des centaines de petites paires de chaussures, en hommage aux enfants autochtones enlevés à leur famille et forcés de fréquenter les pensionnats.

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Des centaines de chaussures étaient disposées sur des marches en hommage aux enfants autochtones enlevés à leur famille et forcés de fréquenter les pensionnats.

Le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Arlen Dumas, participait à un autre évènement jeudi. Il s’est dit choqué par ce qui s’est passé sur la colline parlementaire à Winnipeg, même s’il admet que les dernières semaines ont été éprouvantes pour bien des gens.

L’occasion de les remplacer ?

« Personnellement, je n’y aurais pas participé, a-t-il dit vendredi. C’est malheureux qu’ils aient choisi de s’exprimer comme ils l’ont fait. Mais c’est en fait un symbole du fait qu’il y a beaucoup de mal et qu’il y a beaucoup de frustration et de colère face à la façon dont les choses se sont passées. »

Le premier ministre Brian Pallister a qualifié les actes de vandalisme d’inacceptables. « C’est un revers majeur pour ceux qui travaillent à une véritable réconciliation et ça ne contribue en rien à faire avancer cet objectif important », a indiqué M. Pallister dans un communiqué, en promettant que « ceux qui commettent des actes de violence seront poursuivis devant les tribunaux ».

« Tous les dirigeants du Manitoba doivent condamner fermement les actes de violence et de vandalisme, et en même temps, nous devons nous unir pour faire avancer la réconciliation de manière significative. »

Le service de police de Winnipeg a déclaré que certains de ses membres avaient été agressés et qu’on leur avait crachés dessus, et que leurs véhicules avaient été touchés par des pierres et de la peinture.

Le chef de la police, Danny Smyth, a affirmé que les policiers avaient évité d’intervenir contre les gestes de vandalisme sur les statues, qui ont été posés, selon lui, par une fraction de la foule d’environ 1000 personnes.

« Nous ne voulions pas provoquer davantage la foule qui s’était rassemblée », a déclaré M. Smyth vendredi.

Un homme a été arrêté et fait face à une accusation d’avoir endommagé un véhicule privé après l’évènement, a indiqué M. Smyth, et d’autres accusations pourraient survenir dans l’enquête aidée par de nombreuses caméras de sécurité sur le terrain de l’Assemblée législative.

Le chef Dumas se dit prêt à participer au remplacement de ces statues à l’Assemblée législative, « peut-être d’un monument qui nous reflète davantage », a-t-il dit.

Les statues peuvent être remplacées, mais les enfants que nous avons perdus ne reviendront jamais.

Le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Arlen Dumas

PHOTO FRED CHARTRAND, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Arlen Dumas

Le gouvernement du Manitoba avait l’intention d’ériger une statue du chef Peguis sur les terrains de l’Assemblée législative. Cette décision, annoncée en octobre dernier, vise à commémorer la signature du premier traité avec les Autochtones dans l’Ouest canadien, en 1817.

Le premier ministre Justin Trudeau a aussi dénoncé les « actes de vandalisme » qui ont eu lieu jeudi, condamnant le renversement de deux statues de la monarchie et les dégradations d’au moins dix églises en marge de manifestations.

« C’est inacceptable et injuste que des actes de vandalisme et incendies criminels aient lieu à travers le pays, y compris contre des églises catholiques », a fustigé le premier ministre, lors d’un point presse.

« Ce n’est pas ça la solution », a-t-il insisté.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau

M. Trudeau a par ailleurs dit comprendre « qu’il y ait de la colère, contre le gouvernement fédéral, contre des institutions comme l’Église catholique ».

D’autres gestes ailleurs au pays

De nombreuses célébrations prévues pour la fête du Canada ont été réduites à une formule plus sobre, ou carrément annulées, par solidarité avec les Autochtones.

Au cours des dernières semaines, des centaines de sépultures anonymes, que l’on croit être celles d’enfants qui ont fréquenté les pensionnats, ont été découvertes sur divers sites de ces anciennes institutions en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.

PHOTO CHAD HIPOLITO, LA PRESSE CANADIENNE

Une statue du capitaine James Cook a été démantelée à Victoria jeudi et remplacée par une œuvre en bois d’une robe rouge, symbole des femmes autochtones assassinées et disparues.

On a signalé aussi d’autres actes de vandalisme au pays. Une statue de la reine Victoria à Kitchener, en Ontario, a été aspergée de peinture rouge.

À Victoria, en Colombie-Britannique, une statue du capitaine James Cook a été démantelée et jetée dans le port. La statue a été remplacée par une œuvre en bois d’une robe rouge, symbole des femmes autochtones assassinées et disparues, et des empreintes de mains rouges ont été imprimées sur son socle.

À St. John’s, deux importants immeubles et un monument dédié aux forces policières locales ont été aspergés de peinture rouge.

avec l’Agence France-Presse