(Toronto) La Cour supérieure de l’Ontario a conclu que les tirs qui ont abattu un vol commercial en Iran, en début d’année dernière, étaient intentionnels et considérés comme un acte terroriste. Une décision qui pave la voie aux proches des victimes de réclamer une compensation à l’État responsable.

Dans sa décision, le juge Edward Belobaba soutient que selon la prépondérance des probabilités, les missiles ont été tirés délibérément en direction du vol 752 de la compagnie aérienne Ukraine International, le 8 janvier 2020. Des tirs survenus au moment où aucun conflit armé ne sévissait dans la région.

En conséquence, il conclut qu’il s’agit d’un acte terroriste qui invalide l’immunité de l’Iran en matière de poursuites civiles.

Alors que la Loi sur l’immunité des États protège les pays étrangers contre les poursuites, la Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens permet, elle, d’intenter des poursuites « contre les terroristes et ceux qui les soutiennent ».

Plus d’une centaine des 176 victimes tuées dans l’explosion de l’avion avaient des liens avec le Canada, incluant 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents.

Ce recours judiciaire a été intenté l’an dernier par quatre demandeurs ayant perdu des proches dans l’attentat.

Merzhad Zarei a perdu son fils de 18 ans, Arad. Shahin Moghaddam a perdu son épouse, Shakiba, et leur fils, Rossitin. Ali Gorji a perdu sa nièce, Poureh, et son époux, Arash. Le couple venait tout juste de se marier. La quatrième plaignante dans le dossier est identifiée sous le pseudonyme de « Jane Doe » par crainte de représailles de l’Iran. Elle devait être à bord du vol aux côtés de son époux, mais elle a été incapable d’obtenir un visa à temps.

Selon les avocats impliqués dans l’affaire, il s’agit d’une première dans l’histoire du droit canadien.

« C’est très important en raison de l’impact que cela aura sur les membres survivants des familles immédiates qui cherchent à obtenir justice », ont déclaré par voie de communiqué, jeudi, les avocats Mark Arnold et Jonah Arnold.

La poursuite identifie plusieurs défendeurs, incluant la République islamique d’Iran et le Corps des gardiens de la révolution islamique.

La plainte a été signifiée à l’Iran par l’entremise d’Affaires mondiales Canada, en septembre dernier. L’État n’a déposé aucune réponse pour sa défense et a donc été jugé par défaut.

Habituellement, un défendeur en défaut est considéré comme ayant admis les allégations reprochées dans la requête, mais la Loi sur l’immunité des États s’applique même en cas de défaut, écrit le juge Belobaba. Les demandeurs devaient donc tout de même prouver au tribunal que l’affaire pouvait être entendue en raison des exceptions prévues.

Le juge écrit plus loin que les plaignants avaient clairement établi que les tirs sur le vol 752 constituaient « une activité terroriste » en vertu de la Loi sur l’immunité des États, de la Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens et des articles du Code criminel canadien.

Le magistrat s’est appuyé sur les conclusions de deux rapports d’experts, l’un rédigé par Ralph Goodale, conseiller spécial du Canada dans ce dossier, et l’autre signé par le Rapporteur spécial des Nations unies, pour confirmer que les tirs étaient bien intentionnels.

Il s’est aussi appuyé sur le rapport des Nations unies pour confirmer qu’il n’y avait aucun conflit armé en cours au moment es faits.

Immédiatement après l’explosion, l’Iran a nié toute responsabilité avant d’admettre, trois jours plus tard, que les Gardiens de la révolution islamique avaient abattu par erreur le vol commercial avec deux tirs de missiles antiaériens.