Le Nouveau Parti démocratique (NPD) appuie la demande des sections canadiennes d’Amnistie internationale et presse à son tour le gouvernement, qui n’en voit pas pour l’heure la nécessité, d’enquêter sur le rôle de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans les déboires vécus par Mohamedou Ould Slahi.

Le chef adjoint du parti d’opposition fédéral, Alexandre Boulerice, a indiqué vendredi qu’il était important de faire toute la lumière sur l’action des forces de l’ordre canadiennes, qui se voient notamment reprocher par le ressortissant mauritanien d’avoir acheminé à leurs homologues américains des informations trompeuses qui auraient contribué à son arrestation et à sa détention prolongée à la prison militaire de Guantanamo.

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Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice

« S’il n’y a pas d’enquête, on va rester pris avec l’odeur plus ou moins nauséabonde qui entoure cette affaire », a relevé le député en soulignant que le cas de M. Slahi rappelait celui de Maher Arar, un ingénieur canadien enlevé par les États-Unis en 2002 et torturé en Syrie sur la base notamment d’informations erronées fournies par la GRC.

Le ministère de la Sécurité publique a indiqué par courriel en fin d’après-midi vendredi qu’il était au courant des allégations de M. Slahi mais n’avait pas connaissance « d’informations qui indiqueraient qu’il est nécessaire d’enquêter sur les actions du SCRS et de la GRC en rapport avec cette affaire ».

M. Boulerice a prévenu plus tôt dans la journée que sa formation n’hésiterait pas à réclamer formellement la tenue d’une enquête au Parlement si le gouvernement refuse d’aller de l’avant même s’il se dit sceptique de pouvoir compter sur l’appui du Bloc québécois et du Parti conservateur à ce sujet.

Les deux formations, selon lui, ne « veulent pas toucher avec une perche de dix pieds des dossiers des droits humains concernant la communauté musulmane ». « Au NPD, les droits humains ne sont pas négociables, quelle que soit la communauté concernée », a-t-il déclaré.

La porte-parole du Bloc québécois en matière de sécurité publique, Kristina Michaud, a dit souhaiter vendredi que le gouvernement communique « dans la plus grande transparence » ses conclusions relativement aux allégations de M. Slahi afin de permettre aux parlementaires de travailler « en pleine connaissance de faits ».

Mme Michaud a précisé par ailleurs à l’attention du NPD qu’il était « primordial d’éviter la partisanerie » dans « un dossier aussi délicat » que celui du ressortissant mauritanien.

L’ex-critique du Parti conservateur en matière de sécurité publique, Pierre Paul-Hus, a fustigé de son côté la sortie de M. Boulerice en relevant qu’il était « odieux » de suggérer que son parti conditionnait ses interventions dans les affaires de terrorisme à la religion des personnes ciblées par les autorités.

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L’ex-critique du Parti conservateur en matière de sécurité publique, Pierre Paul-Hus

M. Paul-Hus n’était pas en mesure de préciser par ailleurs la position de la formation quant à la nécessité pour Ottawa d’enquêter sur le rôle de la GRC et du SCRS dans les déboires de M. Slahi. Son service des communications n’a pas donné suite aux questions de La Presse.

Mohamedou Ould Slahi a vécu quelques mois à Montréal à la fin des années 90 après avoir obtenu le statut de résident permanent. Il a été soupçonné par la GRC et le SCRS, peu après son arrivée, d’être un acteur central du projet d’attentat avorté du Millénaire ciblant l’aéroport de Los Angeles.

L’homme de 50 ans a été interrogé et surveillé par les autorités canadiennes mais n’a pas été arrêté. Il est rentré en Mauritanie début 2000 et a été questionné et temporairement détenu avant d’être transféré à la demande des États-Unis à Guantanamo après les attentats du 11 septembre 2001. Il a été longuement torturé avant d’être libéré, sans accusation, 14 ans plus tard.

Son engagement au début des années 90 en Afghanistan, où il s’était rendu pour suivre un entraînement dans un camp d’Al-Qaïda et soutenir le combat des moujahidines contre le régime prorusse en place à Kaboul, ainsi que ses interactions avec un cousin devenu un membre haut placé de l’organisation d’Oussama ben Laden, l’avaient déjà placé dans la mire des services de renseignements de plusieurs pays.