(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau a défendu jeudi l’arrestation de la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, et a exhorté les pays à résister aux brimades chinoises, alors qu’il s’apprêtait à participer à deux sommets internationaux potentiellement explosifs.

Les relations du Canada avec la Chine et les États-Unis ont figuré en bonne place lors d’une séance de questions-réponses avec M. Trudeau à la veille d’une réunion, virtuelle, du forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Le premier ministre et son homologue chinois, Xi Jinping, doivent y participer, mais au préalable, M. Trudeau s’est entretenu jeudi avec des dirigeants d’entreprises de pays membres de l’APEC.

Après que M. Trudeau a vanté la législation de son gouvernement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et appelé à davantage d’échanges entre le Canada et l’Asie, on lui a demandé s’il regrettait que les autorités canadiennes aient interpellé Mme Meng, en décembre 2018 à l’aéroport de Vancouver, à la demande des Américains, qui veulent l’inculper pour fraude. Son arrestation au Canada — elle est depuis assignée à résidence — a déclenché une crise diplomatique de plus en plus profonde avec Pékin, qui a arbitrairement détenu deux Canadiens et imposé d’autres mesures de rétorsion.

« Est-ce que je regrette que le Canada ait respecté ses lois ? Est-ce que je regrette que le Canada ait respecté un vieux traité d’extradition avec notre plus proche allié ? Absolument pas ! », a répondu M. Trudeau. « Le Canada respecte la primauté du droit. Et on n’obéit pas à ces lois seulement quand c’est pratique ou quand c’est facile. Si vous respectez la primauté du droit, si vous êtes un pays de valeurs, vous devez les défendre. Et c’est précisément ce que nous faisons. »

Le premier ministre a également critiqué la Chine pour sa « diplomatie coercitive agressive », notamment les arrestations de Michael Kovrig et Michael Spavor, et a accusé Pékin « d’essayer d’utiliser son poids pour arriver à ses fins », avant d’appeler les autres pays à travailler ensemble pour contrer les efforts de la Chine.

« Face à la pression et aux mouvements de plus en plus coercitifs de l’une des grandes puissances mondiales, je pense que cela montre vraiment à quel point nous devons travailler ensemble en tant qu’alliés, en tant que voisins, en tant qu’amis, en tant que nations », a-t-il déclaré.

« Très peu de pays pourraient résister seuls à une superpuissance, à une grande puissance. Mais en travaillant ensemble de façon groupée, nous pouvons reconnaître que le chemin que la Chine choisit de prendre en ce moment ne sera probablement pas aussi efficace qu’elle le pense — même pour elle. »

Un nouvel accord de libre-échange

Il est peu probable que les déclarations de M. Trudeau avant le sommet de l’APEC apaisent les tensions entre Ottawa et Pékin, alors que le Canada et ses alliés ont aussi vivement critiqué la Chine pour la répression de la démocratie à Hong Kong et pour le sort qu’elle réserve à sa minorité musulmane ouïghoure.

Le fait que la Chine et 14 autres pays du Pacifique, dont l’Australie, aient signé cette semaine, sans les États-Unis et le Canada, ce qui est présenté comme le plus important accord de libre-échange au monde, le Partenariat régional économique global, complique encore les choses. Pourtant, les principaux coups d’éclat de ce sommet de l’APEC, ainsi que la réunion des dirigeants du G20 organisée par l’Arabie saoudite samedi et dimanche, devraient venir de la Chine et des États-Unis — Donald Trump y fera probablement l’une de ses dernières apparitions comme président américain.

Les deux sommets sont censés se concentrer sur la pandémie de COVID-19, en particulier ses impacts économiques et les mesures que la communauté internationale devrait prendre pour les atténuer maintenant et se rétablir par la suite. M. Trudeau a aussi laissé entendre jeudi qu’il souhaitait demander plus de gestes concrets sur le changement climatique, tout en repoussant le protectionnisme, dans le but de faire en sorte que les avantages du libre-échange et de la mondialisation atteignent davantage les citoyens.

« Trump pourrait bien profiter de l’occasion pour pointer à nouveau la Chine sur la COVID, même si l’objectif du sommet est la prospérité et comment redémarrer l’économie mondiale », a estimé Fen Hampson, professeur à l’École d’études internationales Norman Paterson de l’Université Carleton.

M. Trump a empêché les membres de l’APEC de s’entendre sur un communiqué de clôture conjoint lors du dernier sommet, en 2018, en raison de son mécontentement à l’égard de la Chine sur le commerce et la sécurité. Or, ces tensions entre les deux puissances se sont encore aggravées au cours des deux dernières années.

Le sommet du G20 risque aussi d’apporter ses surprises et ses tensions, en raison du bilan épouvantable de l’Arabie saoudite en matière de droits de la personne et du fait que la rencontre mettra en vedette les présidents Trump et Xi, ainsi que les dirigeants autocratiques de la Russie, de la Turquie et d’autres pays membres.