(Ottawa) Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, estime que la GRC en Nouvelle-Écosse n’a pas réussi à protéger correctement les Autochtones dans le différend sur la pêche au homard avec les pêcheurs non autochtones.

Marc Miller était l’un des quatre ministres du cabinet fédéral à prendre part à une conférence de presse, lundi à Ottawa, après une fin de semaine mouvementée dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Un entrepôt frigorifique contenant des prises de pêcheurs autochtones a été entièrement détruit par les flammes et une personne a été accusée d’avoir agressé un chef mi’kmaq. Une camionnette appartenant à un pêcheur autochtone a aussi été incendiée.

« Les Autochtones ont été abandonnés par les policiers, qui prêtent serment de protéger les citoyens canadiens », a déclaré le ministre Miller d’entrée de jeu en conférence de presse. « La protection des personnes des deux côtés doit prévaloir, et cela n’a manifestement pas été le cas jusqu’à présent. »

M. Miller a soutenu que même si les Autochtones ont été victimes de discrimination tout au long de l’histoire du Canada, les pêcheurs autochtones de la Nouvelle-Écosse ont défendu leurs droits sans recourir à la violence. « C’est un témoignage de qui ils sont », a estimé le ministre, qui craint toutefois que la violence n’entraîne des pertes en vies humaines. Il a lancé un appel au calme « afin d’en arriver à une solution durable pour tous les pêcheurs ».

Aussi présent à la conférence de presse, lundi, le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a estimé que la Gendarmerie royale du Canada, dont il est responsable, fait son travail. « Je suis absolument convaincu que la GRC connaît son travail », a-t-il dit.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Bill Blair

Le ministre Blair a assuré que davantage de policiers de la GRC sont déployés en Nouvelle-Écosse pour répondre au conflit de plus en plus violent, qui a débuté le 17 septembre lorsque la première nation de Sipekne’katik a lancé une pêche commerciale autoréglementée en dehors de la saison de pêche régie par le gouvernement fédéral.

M. Blair a indiqué lundi que la GRC en Nouvelle-Écosse pouvait maintenant puiser dans ses ressources des provinces voisines, tout en demeurant dans la « bulle atlantique », pour contrer « la violence imprudente et les menaces racistes ». Un bateau de la GRC se trouve aussi dans le secteur, ainsi qu’un navire de la Garde côtière canadienne, a-t-il dit.

Le cabinet du premier ministre a indiqué que Justin Trudeau s’était entretenu dimanche avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, et que les deux hommes « condamnaient la violence épouvantable » et convenaient qu’un dialogue respectueux était essentiel pour parvenir à une solution.

Des actes « de nature raciste »

Le ministre Miller a affirmé qu’Ottawa prendrait des mesures pour s’assurer que les Mi’kmaq puissent exercer leur droit issu des traités, protégé par la Constitution, de gagner un revenu convenable grâce à la pêche. « Les actes de violence que nous avons observés ces derniers jours et ces dernières semaines sont dégoûtants, inacceptables et de nature raciste », a-t-il déclaré.

Les pêcheurs non autochtones de la Nouvelle-Écosse contestent le fait que les Mi’kmaq pêchent en dehors de la saison de pêche déterminée par le gouvernement fédéral. Les ministres fédéraux rappellent toutefois qu’en vertu des traités, les Mik’maq peuvent pratiquer une « pêche de subsistance ». Ce droit a été reconnu par la Cour suprême du Canada il y a une vingtaine d’années.

Dans l’arrêt Marshall, la Cour suprême a statué en 1999 que les peuples mik’maq et malécite du Canada atlantique et du Québec ont le droit de pêcher où et quand ils le souhaitent, en vertu de traités signés par la Couronne au 18e siècle, dans le but d’assurer un « moyen de subsistance convenable ». Or, la Cour n’a pas défini cette « pêche de subsistance » et les parties ne se sont toujours pas entendues là-dessus.

« C’est quelque chose de très compliqué, très complexe, a convenu le ministre Miller, lundi. Et ça peut varier de communauté autochtone mik’maq […] en communauté. Alors, loin de moi, loin d’Ottawa, de dicter du haut de son piédestal ce qu’est la teneur de ce droit. C’est un droit qui doit être discuté, négocié avec les peuples en question. On a déjà essayé de décider, puis ça n’a pas marché. »

Mais le ministre a soutenu que cette pêche autochtone de subsistance avait un impact minime sur la survie de la ressource et sur la santé économique des pêcheurs commerciaux non autochtones. « L’industrie de pêche autochtone est une partie infime de l’industrie commerciale du homard au Canada, a-t-il dit. C’est une industrie fort viable économiquement ; il y a des gens qui font beaucoup d’argent […] Mais soyons très clairs là-dessus : c’est une partie infime de l’industrie de la pêche du homard. »

La bande Sipekne’katik a attribué 11 permis de pêche au homard à 11 bateaux travaillant dans la baie Sainte-Marie, chacun avec un maximum de 50 casiers à bord. En revanche, la pêche commerciale dans la baie permet à 90 bateaux de transporter 400 casiers chacun.

Le différend sur le homard est une question délicate pour le gouvernement Trudeau, qui a fait de la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada une priorité absolue. La décision d’envoyer plus de policiers en Nouvelle-Écosse fait suite à des plaintes de leaders autochtones, qui ont signalé des images sur les médias sociaux qui semblent montrer des policiers passifs pendant que les manifestants vandalisaient des biens et auraient agressé le chef de Sipekne’katik, Mike Sack, la semaine dernière.

— Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.