(Ottawa) Le temps presse pour que le gouvernement fédéral désigne un nouveau chef d’état-major de la Défense avant d’être soumis à un vote de confiance, et certains observateurs craignent que l’armée soit plongée dans l’incertitude sans nomination d’ici d’éventuelles élections.

Un mystère persiste autour de la personne qui sera choisie pour succéder au général Jonathan Vance, car même si un candidat semble représenter le choix évident, d’autres pourraient mieux convenir aux libéraux de Justin Trudeau.

Selon le professeur Alan Okros du Collège des Forces canadiennes, il est généralement admis que quiconque détient trois étoiles a connu un parcours assez solide. Mais encore faut-il trancher, relève le chercheur.

Le gouvernement de Justin Trudeau a discrètement laissé savoir qu’il souhaitait présenter le nouveau chef d’état-major de la Défense avant le discours du Trône du 23 septembre. Des entrevues ont même été effectuées la semaine dernière, rapportent des sources au sein du ministère de la Défense nationale, qui ne sont pas autorisées à discuter publiquement du processus de nomination.

Le lieutenant-général Mike Rouleau représente un choix évident. L’ancien policier d’Ottawa s’est réenrôlé dans l’armée après les attentats du 11 septembre 2001 et il a passé plusieurs années sur le terrain avant de devenir commandant des Forces d’opérations spéciales du Canada en 2014, à une époque où les soldats d’élite étaient notamment déployés en Irak. Il a depuis renforcé son portfolio à Ottawa, d’abord en tant que commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, qui supervise toutes les opérations nationales et étrangères, avant d’accéder plus récemment au poste de vice-chef d’état-major, devenant ainsi le numéro deux du général Vance.

La nomination de Mike Rouleau s’inscrirait dans la continuation du mandat de cinq ans du général Vance et de la politique de défense des libéraux présentée en 2017. Cette politique — connue sous le nom de Protection, Sécurité, Engagement — promettait des milliards de dollars en investissements au cours des 20 prochaines années pour financer plus de militaires, de nouveaux équipements tels que des navires et des aéronefs, ainsi que de nouvelles capacités en informatique, de même que dans l’espace.

Le gouvernement enverrait un message similaire en nommant le commandant de l’Aviation royale canadienne, le lieutenant-général Al Meinzinger ; le commandant de l’Armée canadienne, le lieutenant-général Wayne Eyre ; ou encore le commandant de la Marine royale canadienne, le vice-amiral Art McDonald. Le lieutenant-général Christopher Coates, qui a récemment accédé à la tête du Commandement des opérations interarmées du Canada, poursuivrait lui aussi cet élan.

Mais certains craignent que les ravages économiques entraînés par la pandémie de COVID-19 aient rendu la politique de défense inabordable et que le gouvernement la sabre.

Si le gouvernement cherche à réduire le déficit et se tourne vers les coupes budgétaires, la Défense nationale a très peu de chances d’être épargnée, estime l’analyste David Perry de l’Institut canadien des affaires mondiales.

Plusieurs se demandent par ailleurs si les libéraux nommeront pour la première fois une femme en tant que plus haute responsable militaire au pays.

Une telle décision cadrerait avec l’image progressiste et féministe des libéraux, en plus de signaler que le gouvernement souhaite que l’on s’attaque de manière plus frontale aux problèmes tels que le racisme et l’inconduite sexuelle dans les rangs. Le peu d’avancées en matière de lutte aux gestes à caractère haineux, à la discrimination et au harcèlement crée une « énorme frustration au cabinet du premier ministre », explique le professeur Okros.

C’est ici qu’entrent en jeu les deux premières femmes de l’histoire du Canada à devenir lieutenant-général : Christine Whitecross et Francis Allen. Le hic : aucune d’entre elles ne peut compter sur une grande expérience sur le terrain.

Or, selon M. Perry, le fait de nommer un chef d’état-major de la Défense n’ayant jamais commandé un navire de la marine, piloté un avion ou dirigé des soldats sur le terrain serait pratiquement tout aussi révolutionnaire que le fait de nommer une femme.