(Ottawa) Le gouvernement fédéral fait face à des pressions croissantes pour faciliter la venue au Canada de citoyens de Hong Kong, alors que la Chine continue de sévir contre les militants prodémocratie dans l’ancienne colonie britannique.

Au début du mois de juillet, Ottawa a suspendu un traité d’extradition avec Hong Kong après que la Chine a adopté une loi sur la sécurité qui renforce le contrôle de Pékin sur le territoire. Les militants prodémocratie affirment que la loi est utilisée pour réprimer les aspirations démocratiques de Hong Kong et viole la promesse de Pékin de maintenir l’autonomie du territoire après sa rétrocession en 1997.

Le premier ministre Justin Trudeau avait annoncé la suspension du traité ainsi qu’une interdiction d’exporter de l’équipement militaire, en affirmant que le gouvernement fédéral envisageait également d’autres réponses, notamment en matière d’immigration.

Les militants prodémocratie, les groupes de défense des droits de la personne et d’autres espéraient alors que ce serait le début d’une série d’actions visant à soutenir le peuple de Hong Kong, en particulier ceux qui tentent de lutter contre le contrôle croissant de la Chine sur le territoire.

« Ils ont suspendu l’accord d’extradition entre Hong Kong et le Canada, ce qui était une grande étape, et je pensais que c’était le signe d’une direction vraiment positive que nous allions prendre », affirme Ai-Men Lau, de l’Alliance Canada Hong Kong.

Mais près de deux mois plus tard, le gouvernement Trudeau n’a fait aucune nouvelle déclaration sur Hong Kong, bien que les autorités chinoises aient procédé à plusieurs vagues d’arrestation visant des militants et des médias prodémocratie.

En comparaison, le Royaume-Uni et l’Australie ont annoncé des mesures visant à faciliter le départ des résidents de Hong Kong pour qu’ils puissent refaire leur vie dans l’un de ces deux pays.

« Comme l’a dit le premier ministre, nous continuerons d’appuyer les nombreux liens entre le Canada et Hong Kong tout en défendant également sa population », a déclaré Mathieu Genest, porte-parole du ministre de l’Immigration Marco Mendicino. « Le Canada explore des mesures allant au-delà de celles annoncées — y compris en matière d’immigration — et nous aurons plus à en dire au moment opportun. »

Difficile de quitter Hong Kong

Mme Lau et d’autres Canadiens d’origine hongkongaise ont l’impression que le gouvernement répète le même message depuis des semaines, alors que Pékin renforce ses mesures de répression envers les militants prodémocratie et ceux qui critiquent durement les actions du gouvernement chinois à Hong Kong.

Ainsi, au cours du weekend, 12 personnes ont été arrêtées après que le bateau dans lequel elles voyageaient de Hong Kong à Taïwan a été intercepté par la garde côtière chinoise. Le magnat des médias et défenseur de la liberté d’expression Jimmy Lai a également été arrêté au début du mois.

« Cela devient vraiment désastreux à Hong Kong », estime Mme Lau. « Ce gouvernement doit agir maintenant, et nous le disons depuis des mois. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi il y a un tel délai. »

Le problème, c’est que plus le temps passe et plus les autorités chinoises risquent de compliquer le départ de ces personnes, en particulier celles qui se sont prononcées publiquement contre la mainmise de Pékin.

« Le plus grand défi auquel les réfugiés de Hong Kong seront de plus en plus confrontés, c’est : comment sortir ? », indique Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, qui fait partie de ceux qui demandent à Ottawa d’en faire plus dans ce dossier.

« La perspective de fuir en traversant la frontière n’est pas une option. Évidemment, passer la frontière, c’est se lancer dans la gueule du dragon. Ce n’est pas une option ici. »

Les militants demandent notamment au gouvernement fédéral de faciliter les démarches pour permettre aux Canadiens de faire venir leurs proches qui vivent à Hong Kong, de mettre sur pied des mesures pour attirer les étudiants et les travailleurs qualifiés qui veulent quitter Hong Kong et d’ouvrir les portes aux demandeurs d’asile.

« Ce que je dis au gouvernement, c’est : faites quelque chose. Mais jusqu’à présent, ils n’ont rien fait, et c’est vraiment dommage », déplore la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’immigration, Jenny Kwan, dont la famille a immigré de Hong Kong lorsqu’elle avait neuf ans. « C’est tellement étonnant que le gouvernement Trudeau ait choisi de ne pas fournir ce canot de sauvetage aux ressortissants de Hong Kong. »