(Halifax) Le gouvernement fédéral et celui de la Nouvelle-Écosse confient à un « comité d’examen indépendant » de trois membres le mandat d’examiner les causes et les circonstances de la tuerie qui a fait 22 morts en avril dans cette province. Mais cet exercice ne sera pas entièrement public, contrairement aux souhaits de plusieurs.

Un rapport intermédiaire puis le rapport final seront présentés l’an prochain au ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, et au ministre provincial de la Justice, Mark Furey, avant d’être rendus publics. Mais le mandat du comité semble prévoir peu d’audiences publiques — voire aucune.

Le mandat ne prévoit pas non plus de dispositions pour contraindre les témoins et les renseignements recueillis lors de la préparation du rapport devront demeurer confidentiels, précise-t-on.

Selon la police, Gabriel Wortman a amorcé sa cavale meurtrière après avoir agressé sa conjointe, à Portapique, le soir du 18 avril. Il a ensuite parcouru le centre et le nord de la Nouvelle-Écosse, notamment en utilisant une réplique d’une voiture de police et un uniforme de la GRC. Il a tué sur son passage 22 personnes, avant d’être abattu par un policier le lendemain matin.

Des proches des victimes souhaitaient des audiences publiques transparentes et des témoignages contraignants, sous serment, mais le ministre Furey a soutenu jeudi que les gouvernements avaient opté pour un processus plus rapide, comme le souhaitaient les citoyens, mais qui donnera des résultats similaires, selon lui.

Le ministre Blair a estimé de son côté que l’expertise des trois membres du comité fournira « une capacité extraordinaire » pour trouver des réponses aux questions des citoyens.

Le groupe d’experts sera dirigé par l’ancien juge en chef de la Nouvelle-Écosse Michael MacDonald, qui sera secondé par l’ancienne ministre libérale fédérale de la Justice et de la Sécurité publique Anne McLellan et par Leanne Fitch, qui a déjà été cheffe de la police de Fredericton, dans la province voisine.

« Manque de transparence »

Des membres des familles des victimes réclamaient une enquête publique pour examiner de façon détaillée l’intervention de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) lors des multiples fusillades des 18 et 19 avril.

Mercredi, près de 300 proches des victimes et des partisans de leur cause ont marché vers le poste de la GRC du détachement de Bible Hill pour réclamer une enquête transparente. Une trentaine de sénateurs canadiens ont également appelé les deux ordres de gouvernements à mener une enquête « pleinement ouverte, transparente et exhaustive ».

Robert Pineo, un avocat des familles des victimes dans le cadre d’une poursuite contre la GRC et la succession du présumé tueur, a soutenu jeudi que le processus n’était pas suffisant pour aller au fond des choses ou aider ses clients à tourner la page.

Il salue le choix des commissaires, mais estime qu’ils ne pourront « rendre des décisions que sur la base des informations et des preuves qui leur sont présentées » — qui seront « totalement insuffisantes », selon lui.

Me Pineo précise que ses clients espéraient une enquête publique comme celle qui avait suivi la catastrophe de la mine de charbon Westray, en 1992, où les parties intéressées avaient la possibilité d’interroger des témoins. Selon lui, les ministres Furey et Blair se sont réfugiés derrière leur notion d’« approche réparatrice », sans traumatisme pour les personnes touchées, afin d’exclure la pleine participation des familles.

Rapport final dans 13 mois

Le mandat confié au comité est d’entreprendre « un examen large des évènements, y compris les causes, les contextes et les circonstances qui y ont donné lieu, l’intervention policière ainsi que les mesures pour informer, soutenir et mobiliser les victimes, les familles et les citoyens touchés ».

« Le comité a comme mandat d’enquêter sur l’incident, de documenter les leçons apprises et d’offrir des recommandations concernant des mesures à prendre aux niveaux provinciaux et fédéraux afin de remédier à ce qui s’est passé et d’améliorer la sécurité publique pour l’avenir », précise-t-on.

Le comité doit terminer son rapport intermédiaire d’ici le 28 février prochain et son rapport final d’ici le 31 août 2021. Le travail du comité sera financé à parts égales par les deux ordres de gouvernements.