(Ottawa) L’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas réussi à expulser rapidement la plupart des personnes qui avaient reçu l’ordre de quitter le pays — et dans des dizaines de milliers de cas, elle a tout simplement perdu leurs traces, conclut la vérificatrice générale.

Dans un rapport déposé au Parlement mercredi, la vérificatrice générale, Karen Hogan, affirme que les efforts de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ont été freinés par la piètre qualité des données et par des failles dans la gestion des cas, ce qui a entraîné des retards — qu’on aurait pu éviter — dans des milliers de dossiers. Des déficiences dans l’échange d’informations avec les agents de l’immigration ont également retardé le traitement des cas.

L’ASFC est chargée d’exécuter les mesures de renvoi prononcées contre les étrangers qui ont été interdits de territoire au Canada. Le rapport indique par ailleurs qu’Ottawa a « déployé des efforts financiers importants au cours des dix dernières années pour améliorer l’efficience du système d’octroi de l’asile, notamment les renvois ».

Or, malgré ces investissements, le nombre de mesures de renvois exécutoires « est resté à peu près inchangé, même pour les cas prioritaires ». En avril 2019, environ 50 000 personnes étaient visées par des mesures de renvoi exécutoires — des personnes qui ont épuisé ou renoncé à tous les recours judiciaires pour rester au Canada. Les deux tiers de ces cas, soit 34 700, concernaient des personnes dont on avait perdu la trace. Et parmi eux, 2800 avaient des antécédents criminels, note la vérificatrice générale.

Pourtant, l’ASFC n’effectuait souvent aucun suivi régulier pour essayer de retrouver ces personnes qui manquaient à l’appel, en ouvrant comme la pratique l’exige chaque dossier au moins tous les trois ans — ou une fois par an pour les criminels interdits de territoire.

Des lacunes en matière d’intégrité des données ont limité la capacité de l’agence à savoir quelles mesures de renvoi exécuter, indique le rapport. « Faute d’un inventaire des renvois fiable, l’Agence n’a pas pu définir efficacement l’ordre de priorité des renvois en fonction des risques et de la complexité des dossiers », lit-on. « Nous avons aussi constaté qu’il y avait des cas où l’Agence ignorait que des mesures de renvoi avaient été prononcées.

Par ailleurs, de nombreux cas que nous avons examinés étaient bloqués, parce que les agents avaient peu fait pour lever les obstacles qui entravaient les renvois, comme l’absence de documents de voyage. »

Départs volontaires

La vérificatrice générale a aussi noté que de nombreux pays, principalement en Europe, proposent des programmes d’aide au départ volontaire « qui favorisent le retour des étrangers dans leur pays d’origine ». Certains de ces programmes sont gérés par des tierces parties indépendantes et ne visent pas uniquement les demandeurs d’asile déboutés. « Tous s’entendent pour dire que les retours volontaires sont préférables aux renvois forcés, car ils s’avèrent plus économiques et permettent des départs rapides », conclut la vérificatrice générale.

Lors de sa conférence de presse quotidienne, le premier ministre Justin Trudeau a promis mercredi que son gouvernement apporterait des correctifs pour assurer l’intégrité du système.

Le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, responsable de l’ASFC, a déclaré que le gouvernement acceptait les recommandations de la vérificatrice générale pour remédier aux problèmes. En plus d’« affiner sa stratégie » en matière de renvois, l’ASFC améliorera la façon dont elle suit et trie les dossiers, afin que les cas prioritaires soient traités rapidement, a promis M. Blair dans un communiqué.

« Cela comprend poursuivre la mise en œuvre d’une stratégie d’intégrité des données pour assurer la détermination rapide des étapes auxquelles se trouvent tous les dossiers afin que ceux-ci puissent progresser en temps opportun. »

L’ASFC, a soutenu le ministre, prend des mesures pour localiser les ressortissants étrangers dont la trace a été perdue « en effectuant un examen de tous les dossiers en suspens, en accordant la priorité aux affaires criminelles et en menant des enquêtes sur les cas très préoccupants ». Enfin, l’ASFC « mettra en place un programme d’incitatifs pour accroître la conformité volontaire ».