(Ottawa) Le déficit fédéral pourrait atteindre 256 milliards cette année en raison de la pandémie de COVID-19, selon le directeur parlementaire du budget, qui n’a pu tenir compte, toutefois, de l’extension de la PCU annoncée cette semaine.

Cette nouvelle estimation, publiée dans un rapport déposé jeudi matin, est la combinaison de toutes les dépenses fédérales en aide d’urgence, estimée à 169 milliards, et d’une baisse historique de la production pendant que l’économie était « en pause ».

Le déficit global n’est supérieur que de 3,8 milliards aux prévisions précédentes du DPB, un faible écart attribué par Yves Giroux à de meilleures perspectives économiques au second semestre, qui compensent les nouvelles dépenses. Cette estimation ne tient toutefois pas compte de la prolongation de huit semaines, jusqu’à la fin d’août, de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), annoncée mardi.

M. Giroux estimait auparavant que l’économie pourrait se contracter de 12 % en 2020 ; le DPB estime maintenant cette contraction de l’économie à 6,8 %. Il s’agirait ainsi du résultat du PIB réel le plus faible enregistré depuis 1981 et le double de la contraction record de 3,2 % affichée en 1982.

Le DPB estime par ailleurs que la hausse du déficit budgétaire et la forte diminution du PIB nominal feront passer le ratio de la dette fédérale au PIB à 44,4 % en 2020-2021. « La dernière fois que le ratio de la dette fédérale au PIB a atteint plus de 44,4 %, c’était en 2001-2002, note le rapport du DPB. Il demeure toutefois bien en deçà du sommet de 66,6 % atteint en 1995-1996. »

M. Giroux prévient aussi que les dépenses pourraient augmenter encore si le gouvernement stimulait davantage la relance économique, au-delà des 14 milliards promis aux provinces pour aider à minimiser les risques lors de la réouverture des lieux de travail. Les changements potentiels et l’incertitude sur l’évolution de la pandémie ont d’ailleurs conduit le bureau de M. Giroux à préciser que les chiffres du rapport sont le résultat d’un des nombreux scénarios et non d’une prévision. « Il ne montre qu’une des issues possibles à la situation », précise-t-on.

Chiffrer les programmes d’aide

Le rapport est publié au lendemain de la promesse faite par le premier ministre Justin Trudeau de livrer, le 8 juillet, un « portrait » des finances fédérales, qui fournira des estimations de dépenses à court terme. M. Trudeau a prévenu que le document ne fournirait pas de perspectives à plus long terme à cause de l’incertitude quant à l’orientation de l’économie dans les mois et les années à venir — le tout reposant sur l’évolution de la pandémie.

Les libéraux ont subi des pressions de la part des partis d’opposition pour qu’ils publient une mise à jour économique, voire un budget, qui ont été reportés en raison de la pandémie. Le gouvernement avait initialement prévu de déposer un budget à la fin de mars. Depuis lors, les députés ont approuvé des dépenses d’urgence pour fournir de l’aide aux Canadiens qui ont perdu leur emploi ou dont les heures ont été réduites, et du financement pour les entreprises fermées en raison de restrictions de santé publique.

M. Giroux publie également jeudi une mise à jour des estimations de coûts pour deux des programmes phares que les libéraux ont mis en place et sont en train de réorganiser : la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et la Subvention salariale d’urgence.

Les derniers chiffres du ministère des Finances fixaient le montant total de l’aide liée à la pandémie à 153,7 milliards en dépenses directes, mais M. Giroux croit qu’à ce stade-ci, ce montant sera plus près de 169 milliards. Cette somme représente environ la moitié de ce que le gouvernement fédéral dépense habituellement au cours d’une année « normale ».

La Banque du Canada favorable

Dans un discours prononcé jeudi, un haut responsable de la Banque du Canada a estimé qu’Ottawa devrait continuer à amortir les pertes de revenu et à soutenir les dépenses des ménages au début de la reprise économique.

Le sous-gouverneur Lawrence Schembri a déclaré en visioconférence qu’un sondage à venir sur les attentes des consommateurs montrera que les Canadiens bénéficiant d’un soutien d’Ottawa ont dépensé ou s’attendent à dépenser en moyenne 70 % de leurs prestations fédérales.

Selon le texte de son discours, publié par la Banque du Canada, des données récentes indiquent qu’une reprise est en cours, avec une première phase brusque et brève, suivie d’une période de « récupération » plus longue, selon l’évolution de la pandémie.

Le DPB estime maintenant que la PCU de 2000 $ par mois coûtera 61,1 milliards au gouvernement, mais rapportera 7,7 milliards en recettes fiscales, lorsque les bénéficiaires seront imposés sur le revenu l’année prochaine. Les libéraux ont par ailleurs promis de prolonger la PCU jusqu’à la fin d’août, afin que les bénéficiaires puissent la recevoir pendant 24 semaines, plutôt que 16 ; ils ont déjà révisé le budget de ce programme à 60 milliards.

Lorsque le ministère des Finances a augmenté le budget de la PCU, il a également abaissé le coût du programme de subvention salariale de 73 milliards à 45 milliards, pour tenir compte du taux de participation des entreprises — plus faible que prévu. Le bureau de M. Giroux estime que la Subvention salariale d’urgence coûtera 55,6 milliards au trésor public, mais cette estimation dépend de la popularité du programme.