Les chefs élus wet’suwet’en envisager d’engager des avocats pour contester devant les tribunaux l’entente de principe entre les gouvernements fédéral et de la Colombie-Britannique et les chefs héréditaires. Ils la qualifient de « traité du XIXe siècle » et réclament la démission de la ministre fédérale des Affaires autochtones, Carolyn Bennett.

« Les chefs héréditaires ont profité de la pandémie pour ne pas faire les assemblées traditionnelles qu’ils avaient promis de faire au sujet du projet d’entente annoncé en mars », dit Maureen Luggi, chef élue de la réserve de Wet’suwet’en, qui est la porte-parole d’un groupe de cinq chefs élus opposés à l’entente. Une seule chef élue wet’suwet’en appuie les chefs héréditaires.

L’entente du début de mars a permis de dénouer le blocus du chantier du gazoduc Coastal Gaslink, auquel les chefs héréditaires wet’suwet’en sont opposés, mais qu’appuient les mêmes cinq chefs élus. Des assemblées traditionnelles étaient prévues dans chaque clan, mais peu ont pu avoir lieu, selon Mme Luggi.

« Dans mon clan, les chefs héréditaires nous ont montré un PowerPoint au lieu de l’entente et ils n’ont voulu remettre aucun document aux participants à l’assemblée, dit Mme Luggi. Il y avait des erreurs dans le PowerPoint, des fois on parlait de trois mois pour un point de négociation, parfois de six mois pour le même point. Des fois, il n’y avait aucun calendrier de discussions. »

Je n’ai jamais vu une entente de principe aussi vague. On parle d’une ‟réunification wet’suwet’en”, mais personne n’a été capable de nous dire ce que ça signifie.

Maureen Luggi, chef élue de la réserve de Wet’suwet’en

« Notre clan a demandé une autre rencontre, mais aucune n’a eu lieu. C’est une grave entorse aux traditions, car l’autorité des chefs héréditaires provient des clans. »

Services aux familles

Les quatre chefs élus ont diffusé trois communiqués depuis l’annonce de la signature de l’entente de principe, à la fin d’avril. Chaque communiqué dénonce l’entente comme un « traité du XIXe siècle » et demande la démission de la ministre Bennett. Au départ, le communiqué se limitait à dénoncer la signature de l’entente.

PHOTO JONATHAN HAYWARD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Au début du mois de mars, la ministre fédérale des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, le chef Woos, un des chefs héréditaires wet’suwet’en, et le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique, Scott Fraser, ont annoncé qu’une entente de principe avait été conclue afin de dénouer le blocus du chantier du gazoduc Coastal Gaslink, dans l’Ouest du pays.

« Après le premier communiqué, nous avons pu rencontrer le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique, Scott Fraser, mais ça n’a rien donné », dit Mme Luggi.

La démission de M. Fraser n’est cependant pas demandée, les communiqués se limitant à demander le « maintien des services » aux Wet’suwet’en. C’est que l’entente de principe prévoit le transfert de responsabilités sur le plan de l’aide à l’enfance et aux familles aux chefs héréditaires wet’suwet’en. Un premier transfert de fonds aux chefs héréditaires dans ce domaine, en 2016, avait généré beaucoup d’insatisfaction chez les chefs élus. « On n’a jamais vu la couleur de cet argent dans nos communautés », a dit Mme Luggi.

En entrevue avec La Presse en mars, un chef héréditaire wet’suwet’en, Simogyet Spookw, avait indiqué n’avoir « aucun désir de rendre des services d’assistance sociale ».

Le 11 mai, La Presse a demandé au « bureau des chefs élus », qui diffuse les communiqués, si un recours à des avocats pour contester cette entente de principe était envisagé. Ce n’était pas le cas à ce moment. Mais le 15 mai, un nouveau communiqué de presse a indiqué que « toutes les options étaient envisagées pour faire respecter les droits des Wet’suwet’en ». Le bureau des chefs wet’suwet’en a confirmé à La Presse que cela impliquait l’embauche d’avocats pour contester l’entente de principe devant les tribunaux.

Il n’a pas été possible d’avoir de commentaires du bureau des chefs héréditaires, malgré plusieurs demandes d’entrevue ces dernières semaines.

L’a b c des chefs héréditaires

Les chefs héréditaires sont choisis par les aînés des différents clans d’une Première Nation. Il ne s’agit pas toutefois de transmission familiale. La décision de la Cour suprême en 1997 reconnaissait aussi la légitimité des chefs héréditaires. Avant le contact avec les Européens, une bonne partie des peuples autochtones avaient un système de gouvernement héréditaire. À partir des années 1920, le gouvernement fédéral a remplacé les systèmes traditionnels de gouvernement autochtone par l’élection régulière de conseils de bande, mais dans plusieurs communautés, les systèmes héréditaires se sont maintenus. Chez les Mohawks, le système de gouvernance héréditaire est souvent désigné par l’institution appelée « Maison longue ».

En chiffres

3600 : nombre de membres de la Première Nation wet’suwet’en

800 : nombre de membres de la Première Nation wet’suwet’en qui vivent dans des réserves à l’intérieur du territoire traditionnel wet’suwet’en reconnu par la Cour suprême en 1997

2400 : nombre de membres de la Première Nation wet’suwet’en qui vivent à l’extérieur du territoire traditionnel

400 : nombre de membres de la Première Nation wet’suwet’en qui vivent à l’extérieur des réserves, mais dans le territoire traditionnel

SOURCE : Affaires autochtones