(Ottawa) Retrait de la GRC, interruption temporaire de la construction du gazoduc: les conditions étaient réunies, jeudi, jour 22 du blocus ferroviaire, pour une rencontre visant à dénouer l'impasse.

À Ottawa, cette rencontre que l'on attendait depuis belle lurette est perçue comme une lueur d'espoir. Le ministre des Transports, Marc Garneau, a suggéré que sa simple tenue pourrait convaincre les sympathisants mohawks de démanteler leurs barricades.

« Aujourd’hui est un point tournant, peut-être ; on verra, a-t-il affirmé en marge d’une annonce. C’est quelque chose qu’on espérait depuis longtemps. J’espère, bien sûr, que les discussions iront bien. »

« Et j’espère que les Mohawks de Kahnawake, et aussi en Ontario, vont prendre ça comme un signal positif et décider de baisser les bras et d’enlever les barricades. On verra », a enchaîné Marc Garneau.

« C’est une victoire pour le dialogue et la résolution de conflits de façon pacifique », a plus tard renchéri le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller. Il reste encore des étapes à franchir, mais la rencontre d’aujourd’hui, c’est un très, très bon début. »

Les chefs héréditaires ont accepté de rencontrer la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, et le ministre britanno-colombien des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation, Scott Fraser.

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La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett

Il s’agit d’une « première étape », est-il spécifié dans un communiqué publié jeudi par les leaders de la Première Nation, car « malheureusement », le premier ministre Justin Trudeau et son homologue de la Colombie-Britannique, John Horgan, ont décliné une rencontre.

Les pourparlers se tiendront jeudi et vendredi en territoire wet'suwet'en.

« Les chefs héréditaires remercient leurs supporters pour leur dévouement inlassable. Maintenant, ils ont besoin de temps pour discuter avec la Colombie-Britannique et le Canada dans un atmosphère de wiggus (respect) », est-il indiqué dans le communiqué.

Suspension des travaux du gazoduc

Le promoteur du gazoduc Coastal GasLink, cette canalisation qui est à l’origine du bras de fer, a fait savoir jeudi qu’il acceptait d’interrompre temporairement la construction de la canalisation qui doit sillonner les terres ancestrales des Wet'suwet'en.

« Coastal GasLink a accepté de faire une pause de deux jours des activités de construction dans le secteur de la rivière Morice afin de faciliter le dialogue entre les chefs héréditaires et les représentants gouvernementaux », est-il écrit sur le site web du projet.

« Cette pause doit commencer au début des pourparlers », est-il spécifié dans la même déclaration. Mais on y mentionne au passage que le secteur de la rivière Morice est « extrêmement important pour le calendrier des travaux ».

Bennett en Colombie-Britannique

En début de journée, la ministre Bennett annonçait qu’elle se trouvait en Colombie-Britannique.

« Arrivée à Vancouver hier soir et envolée pour Smithers ce matin pour des réunions très importantes avec le Ministre @ScottFraser de BC et les chefs héréditaires de Wet’suwet’en », a-t-elle écrit ce matin sur son compte Twitter.

La confusion a régné pendant quelques heures mercredi soir quant à la tenue de discussions entre la ministre fédérale, son homologue britanno-colombien, et les leaders de cette Première Nation opposés à la construction du gazoduc Coastal GasLink.

Après que des médias eurent rapporté que la rencontre n’aurait pas lieu, le chef Na’Moks a finalement indiqué à Radio-Canada qu’il y avait eu « erreur de communication », et que la journée de jeudi serait la bonne.

Il y a plus d’une semaine que la ministre Bennett sollicitait un entretien avec les chefs héréditaires, et au cours de cette période, au lieu de s’essouffler, le mouvement en appui à la communauté n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Le seul endroit qui demeure problématique, indiquait-on jeudi matin au bureau du premier ministre, demeure la barricade érigée en territoire mohawk de Kahnawake – cela dit, la situation du côté de Belleville, en Ontario.

Le premier ministre québécois François Legault s’est fait accuser d’avoir jeté de l’huile sur le feu en déclarant hier que si la Sûreté du Québec n’était pas intervenue, c’était en raison de la présence d’armes « offensives, dangereuses », sur le territoire mohawk.

« On a l’information effectivement, des renseignements, qui nous confirment qu’il y a des armes, des AK-47 pour les nommer, et donc, des armes très dangereuses », a fait valoir M.  Legault après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres.

AK-47 : Ottawa appelle au calme

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Le député Joël Lightbound

Sans critiquer directement le premier ministre du Québec, le secrétaire parlementaire du ministre fédéral de la Sécurité publique, Joël Lightbound, a invité toute la classe politique à plus de retenue quand il s’agit de commenter la crise des voies ferrées.

« Je ne vais pas commenter la déclaration spécifique de M.  Legault, mais je pense qu’il faut en appeler à toute la classe politique, quel que soit le palier de gouvernement, de calmer, de tempérer », a-t-il offert, en arrivant à une réunion de comité parlementaire, à Ottawa.

Les propos du premier ministre ont été dénoncés par plusieurs leaders autochtones, qui l’ont accusé d’envenimer une situation déjà fort tendue.

Le député conservateur Pierre Paul-Hus, lui, a dit comprendre que François Legault ait partagé l’information.

« La population ne sait pas toujours vraiment ce qui se passe. Puis là, est-ce que c’est utile dans la situation actuelle d’informer la population de cet état-là ? Peut-être. Peut-être en partie juste pour que les gens comprennent qu’il y a des risques et que les armes qui sont possédées par les autochtones sont très dangereuses » a-t-il déclaré jeudi matin en marge d’une réunion de comité.

– Avec Lina Dib, La Presse canadienne