(Québec et Ottawa) Une intervention policière pour déloger les manifestants autochtones qui bloquent des tronçons de chemins de fer au pays pourrait « dégénérer » et envenimer la crise, prévient l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.  

De passage à l’Assemblée nationale, à Québec, le chef Ghislain Picard a rappelé – 30 ans après la crise d’Oka – qu’il serait facile d’envenimer la situation.  

« Je doute qu’il y ait un recul à ce stade-ci, à moins qu’il y ait vraiment une démonstration politique d’une volonté d’aller vers des solutions qui seront acceptables », a prévenu M. Picard.  

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard.  

Selon lui, s’il faut garder espoir « qu’il puisse y avoir un terrain d’entente », il faudra « du courage politique ».

« Encore une fois, on met les nations autochtones au pied du mur en disant que les nations autochtones doivent se compromettre, mais ce n’est pas vraiment dans la mentalité des nations qui sont directement touchées ni dans les nations qui les appuient », a dit M. Picard, affirmant cautionner entièrement le blocage ferroviaire.  

« Au-delà des excuses qui sont prononcées de façon périodique, il y a les gestes aussi qui sont à poser. […] Tout le monde parle du respect de l’état de droit ici, et encore faut-il que le respect soit réciproque », a-t-il dit.  

Trudeau défend sa gestion de crise 

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, se défend pour sa part de négliger l’enjeu du blocage ferroviaire au pays. Il signale que pour l’instant, il prévoit toujours se rendre à la Barbade lundi et mardi prochain pour assister à un sommet de dirigeants caribéens.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau

En conférence de presse à Munich, en ce dernier jour d’un déplacement de plusieurs jours à l’étranger, dont en Afrique, le premier ministre a défendu sa gestion de crise, arguant qu’il a toujours suivi la situation de près, et que ses ministres étaient de toute manière à pied d’œuvre.

À ceux qui, comme le chef conservateur Andrew Scheer, le pressent de donner à la Gendarmerie royale du Canada des directives pour mettre fin au blocus, il a eu cette réponse : « On n’est pas un pays où les politiciens peuvent ordonner aux policiers de faire quelque chose d’opérationnel ».

Et alors que la paralysie ferroviaire perdure, le premier ministre Trudeau a signalé que « pour l’instant », il a toujours l’intention d’assister à la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

En début de journée, son ministre des Transports, Marc Garneau, rappelait aux militants qui ont érigé et occupent des barrages sur les rails que les décisions de cour doivent être respectées.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Marc Garneau

« Je suis pleinement au fait et profondément préoccupé par les décisions de CN et Via Rail d’arrêter leurs opérations. Un réseau de transport sécuritaire et efficace est essentiel au bien-être de notre pays », a-t-il déclaré par voie de communiqué.

Dans cette même déclaration, il a signalé être en lien régulier avec les transporteurs, et annoncé qu’une rencontre était prévue samedi avec ses homologues provinciaux et territoriaux et des représentants d’organisations nationales autochtones.

Mais d’ici là, il s’est dit encouragé par la fin du blocage de la ligne principale du CN à New Hazelton, en Colombie-Britannique. Il s’agit d’« un développement positif et nous travaillons activement à trouver une résolution similaire pour les barrages restants », a déclaré Marc Garneau, qui se trouvait du côté de Toronto, vendredi.

Scheer fustige les militants « privilégiés »

À Ottawa, le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, avait pour sa part convoqué la presse pour dénoncer cette situation « qui est devenue ridicule ». Il a reproché à des « activistes radicaux n’ayant aucun lien avec la communauté Wet’suwet’en » de prendre en otage l’économie du pays.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Andrew Scheer

« Ces activistes ont peut-être le luxe de passer des jours à des barrages. Mais ils doivent être conscients de leur privilège. Ils doivent être conscients de leur privilège et laisser les gens dont les emplois dépendent du réseau ferroviaire, les propriétaires de petites entreprises, les agriculteurs, aller à leur emploi », a-t-il lancé.

« Laissez-moi être très clair : ces barrages sont illégaux », a tranché le leader dans le foyer de la Chambre des communes, reprochant à Justin Trudeau de « négliger ses devoirs ici à la maison » et de préférer être à l’étranger pour mousser la campagne pour un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.


Barrage mohawk toujours en place à Tyendinaga

Une poignée de manifestants continuaient vendredi de bloquer un tronçon clé des chemins de fer dans l’est de l’Ontario, alors que la Police provinciale fait face à une pression politique croissante pour les déloger.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des policiers sont sur les lieux de l’occupation en territoire mohawk de Tyendinaga, près de Belleville, en Ontario, mais sont garés loin des voies ferrées où campent des manifestants depuis plus d’une semaine.

Des policiers sont sur les lieux de l’occupation en territoire mohawk de Tyendinaga, près de Belleville, en Ontario, mais sont garés loin des voies ferrées où campent des manifestants depuis plus d’une semaine.

Les manifestants sont solidaires des chefs héréditaires de la première nation des Wet’suwet’en, qui s’opposent à un important projet de gazoduc qui traverserait leur territoire ancestral dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Une injonction du tribunal, prononcée la semaine dernière en Ontario, ordonne aux manifestants d’abandonner leur moyen de pression, qui paralyse maintenant le transport de passagers et de marchandises dans une grande partie du pays.

Le CN et Via Rail ont annoncé jeudi la fermeture de tout leur réseau dans l’est du Canada.

La Police provinciale de l’Ontario (OPP) affirme qu’elle communique avec les manifestants dans le but de résoudre la situation de manière pacifique, en suivant un cadre mis en place pour gérer les conflits potentiels avec les communautés autochtones.

Un porte-parole de l’OPP affirme que le pouvoir discrétionnaire exercé par la police ne doit pas être confondu avec un laxisme dans l’application de la loi.

- Avec La Presse canadienne