Le gouvernement canadien mène un groupe de pays dont des ressortissants ont été tués dans l’écrasement d’avion à Téhéran pour « parler d’une seule voix », a annoncé vendredi le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, alors que le différend s’accentue entre l’Iran et l’Occident sur la cause de l’écrasement.

Ottawa crée également une équipe composée de hauts fonctionnaires afin de s’assurer que les familles canadiennes touchées par le drame obtiennent le soutien et les informations dont elles ont besoin, a ajouté M. Champagne.

Ces mesures font suite à des conversations privées tenues à Toronto entre le premier ministre Justin Trudeau et les familles des victimes mortes lors de l’écrasement du vol 752 d’Ukraine International Airlines mercredi.

PHOTO CHRIS WATTIE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne

L’écrasement a entraîné la mort de 176 personnes, dont 138 qui, selon le gouvernement, avaient pour destination finale le Canada.

Lors d’une conférence de presse à Ottawa, M. Champagne a révisé à 57 le nombre de citoyens canadiens qui étaient à bord de l’avion, par rapport aux 63 initialement indiqués par les autorités ukrainiennes. Il a expliqué que le nouveau décompte est le résultat d’une vérification plus minutieuse des documents de voyage, des dates de naissance et d’autres informations.

La Presse canadienne a confirmé de façon indépendante qu’au moins 74 des victimes avaient des liens avec le Canada, dont plusieurs étaient étudiants dans des universités canadiennes. Le vol de Téhéran à Kiev était une première étape peu coûteuse d’un voyage au départ de l’Iran et à destination du Canada.

Des ressortissants d’Iran, d’Ukraine, de Suède, du Royaume-Uni, d’Afghanistan et d’Allemagne figurent également parmi les victimes.

Le nouveau Groupe international de coordination et de réponse comprend tous ces pays à l’exception de l’Iran et de l’Allemagne, et M. Champagne a indiqué qu’il mettra l’accent sur le partage d’informations et la pression sur l’Iran pour mener une enquête approfondie sur l’écrasement.

« La communauté internationale exige de la transparence, a déclaré M. Champagne, ajoutant que le monde regarde ce que le gouvernement iranien fait actuellement. »

La création du groupe survient alors que le différend sur ce qui est exactement arrivé au vol 752 se renforce.

Jeudi, M. Trudeau a déclaré que plusieurs sources de renseignements avaient indiqué que l’avion avait été abattu par un missile iranien, peut-être par accident – une opinion qu’ont également partagée le premier ministre britannique Boris Johnson et l’Australien Scott Morrison.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo est devenu le plus haut responsable américain à blâmer l’Iran lorsqu’il a fait des commentaires similaires vendredi en annonçant de nouvelles sanctions économiques.

« Nous pensons qu’il est probable que cet avion ait été abattu par un missile iranien », a déclaré M. Pompeo alors qu’il annonçait avec le secrétaire américain au Trésor, Steve Mnuchin, les sanctions en représailles à une salve de missiles lancés par l’Iran contre deux bases militaires en Irak cette semaine.

Le vol 752 s’est écrasé peu de temps après que l’Iran a lancé les frappes de missiles contre les deux bases, dont une dans la ville d’Irbil, dans le nord de l’Irak, où des soldats des forces spéciales canadiennes opèrent depuis cinq ans.

L’attaque, qui n’a fait aucun blessé, était en réponse à une frappe aérienne américaine à Bagdad, en Irak, qui a tué le major-général iranien Qassem Soleimani la semaine dernière.

Pourtant, l’Iran a fermement démenti vendredi toute responsabilité dans l’écrasement du vol 752, et a plutôt montré du doigt un incendie dans le moteur du Boeing 737-800. Téhéran a dit aux États-Unis d’attendre la fin de l’enquête et de cesser de répandre des mensonges et de la propagande.

Visas

Le ministre Champagne a confirmé que l’Iran a accordé deux visas au Canada jusqu’à présent. « Nous espérons que les autres visas seront accordés rapidement afin de pouvoir offrir des services consulaires, aider à l’identification des victimes et évidemment participer à l’enquête », a-t-il déclaré.

Une équipe de dix représentants canadiens d’Affaires mondiales Canada et de deux employés du Bureau de la sécurité des transports est présentement à Ankara, en Turquie.

Le Canada s’attend à recevoir une douzaine de visas de l’Iran au total, un geste rendu nécessaire par la rupture des liens diplomatiques entre les deux pays depuis 2012.

M. Champagne a affirmé avoir senti « de l’ouverture » lors d’un appel avec le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, ce qui lui « donne espoir » que les dix autres visas seront émis. « Chaque heure compte », a-t-il ajouté.

Qualifiant la situation de « tragédie nationale », M. Champagne a réclamé à de nombreuses reprises que l’Iran autorise le Canada à prendre part à l’enquête. Pour le moment, « les discussions se poursuivent avec les autorités iraniennes ».

M. Champagne a réitéré la demande du gouvernement canadien d’une enquête « complète et approfondie » afin que « toute la lumière soit faite dans ce dossier dans un esprit de transparence et de justice ».

Téhéran approche-t-il cette enquête de bonne foi en écartant la possibilité que l’écrasement de l’avion ait été causé par un missile iranien ? « Le temps nous le dira et le monde regarde », a répondu M. Champagne, tout en refusant plus tard de dire s’il fait confiance aux autorités iraniennes.

« C’est à l’Iran maintenant de démontrer si elle entend coopérer dans cette enquête-là et de faire toute la lumière sur les causes. Le monde est en train de regarder. Le monde a besoin de réponses à ces questions-là. »

– Avec Lee Berthiaume.