(Ottawa) Cinq ans après la publication de leur rapport final par la Commission de vérité et réconciliation, les commissaires Murray Sinclair, Wilton Littlechild et Marie Wilson unissent leurs voix pour exprimer leurs préoccupations concernant la lenteur de la réconciliation au Canada.

Le rapport final de la commission a présenté un compte rendu détaillé de ce qui est arrivé aux enfants autochtones qui ont été agressés physiquement et sexuellement dans les pensionnats du gouvernement, où au moins 3200 enfants sont décédés après avoir subi abus et négligence.

La commission a également publié 94 appels à l’action exhortant tous les paliers de gouvernement à modifier leurs politiques et leurs programmes pour réparer les torts causés par les pensionnats autochtones et pour aller de l’avant avec la réconciliation.

Les trois commissaires tiendront une conférence de presse virtuelle, mardi matin, pour marquer le cinquième anniversaire de la publication de leur rapport final.

M. Littlechild, un chef cri et ancien député, survivant des pensionnats autochtones, s’est dit encouragé par les progrès de la réconciliation, mais il est préoccupé par sa lenteur.

« Nous pensions, en tant que commissaires, que nous serions plus avancés, maintenant, après cinq ans », a-t-il déclaré dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne, lundi.

« Il est en quelque sorte urgent de se recentrer sur les appels à l’action. »

Il a indiqué que les trois commissaires ne se sont pas réunis depuis que la commission a terminé ses travaux il y a cinq ans.

M. Littlechild a déclaré qu’il était également préoccupé par la montée du racisme au Canada.

« L’un des [domaines] où ça recule, c’est le racisme et la discrimination systémiques qui non seulement continuent, mais qui s’intensifient. »

Le sénateur Murray Sinclair, qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation, a déclaré que des groupes prônant le racisme aux États-Unis ont pris de la vigueur au cours des dernières années et que cela s’est propagé au Canada.

Il a ajouté que ces groupes ciblent des enjeux spécifiques qui sont importants pour la réconciliation, y compris la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement libéral a présenté un projet de loi pour que les lois fédérales soient alignées sur la déclaration des Nations unies.

« Nous devons reconnaître qu’il existe encore une certaine résistance de la part de certains éléments de la société canadienne », a noté M. Sinclair lors d’une entrevue.

Il a déclaré que des groupes racistes et suprémacistes blancs tentaient de nier la validité de l’histoire autochtone.

« Ils ont l’impression qu’ils ont du pouvoir et estiment qu’ils ont le droit d’exprimer leurs opinions », a-t-il déclaré. « Il y a un élément de résistance très important qui tente d’attiser les peurs, les malentendus et la désinformation. »

M. Littlechild s’est dit préoccupé par le fait que six provinces s’opposent à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Les ministres des Relations avec les Autochtones de l’Alberta, du Manitoba, de la Saskatchewan, du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick ont appelé au report du projet de loi sur la DNUDPA dans une lettre obtenue par le « Globe and Mail », plus tôt en décembre.

« Il ne s’agit plus de rechercher un consensus sur une question non partisane. Il ne s’agit plus du processus. C’est maintenant de la politique », a déclaré M. Littlechild. « C’est très, très triste et malheureux. »

Il estime que s’opposer à la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies signifie s’opposer à la réconciliation.

« La survie, la dignité et le bien-être des Autochtones devraient être une question non partisane », a-t-il souligné.

Les commissaires sont également préoccupés par le fait qu’un Conseil national pour la réconciliation n’ait pas été créé cinq ans après qu’ils en ont demandé un.

M. Sinclair a dit que l’absence de ce conseil laisse toute la discussion sur les priorités entre les mains du gouvernement.

« Le gouvernement, à certains égards, est un peu en conflit d’intérêts en ce qui concerne le processus de réconciliation et les droits des Autochtones », a-t-il déclaré. « Ils contrôlent le processus législatif qui régit la vie des peuples autochtones sans tenter d’abandonner ce contrôle ou de le reconnaître. Ils ne devraient plus en être responsables. »

M. Sinclair a ajouté que la déclaration de l’ONU appelle les États colonisateurs, y compris le Canada, à reconnaître qu’ils ont dépensé beaucoup d’argent pour retirer les droits fonciers aux peuples autochtones, et qu’ils doivent donc être prêts à dépenser beaucoup d’argent pour réparer ce préjudice.

« Ils doivent reconnaître qu’une grande partie des revenus que les gouvernements ont gagnés au cours des dernières générations proviennent des ressources que les peuples autochtones ont le droit de revendiquer, qui leur appartiennent encore ou qui doivent être partagées avec eux. »