(Ottawa) Le chef d’état-major de la défense présentera officiellement des excuses à toutes les victimes d’inconduite sexuelle, alors que l’armée cherche à tourner la page sur son incapacité à empêcher les comportements inappropriés et criminels.

Les Forces armées et le ministère de la Défense nationale avaient discrètement lancé l’idée de présenter des excuses l’année dernière, tandis que le gouvernement fédéral avait conclu une entente à l’amiable de 900 millions sur plusieurs actions collectives intentées par d’anciennes et actuelles membres de l’armée.

Ces excuses n’étaient pas requises dans le cadre de cet accord de règlement, a expliqué lundi l’avocat Jonathan Ptak, qui représentait certaines des plaignantes dans les six poursuites qui se chevauchaient — à la fois du personnel militaire et d’employées civiles au ministère de la Défense. Cette idée « a été proposée volontairement par le Canada », a déclaré Me Ptak lundi. « Ce n’est pas comme si le règlement les obligeait à présenter des excuses : je pense donc que ça prend un tout autre sens. »

On ignore encore à quel moment les excuses seront présentées et si elles seront en personne ou en ligne, à cause de la pandémie de COVID-19.

« Les excuses sont un élément important du rétablissement des relations avec les personnes lésées », a indiqué dans un courriel la porte-parole du ministère de la Défense, Jessica Lamirande. « Étant donné que la pandémie de COVID-19 a eu un impact sur sa planification, les détails et le moment des excuses seront partagés après de nouvelles discussions et consultations. »

Les excuses seront présentées à la fois par le chef d’état-major de la défense et par la sous-ministre. On ne sait pas encore si le chef d’état-major de la défense sortant, le général Jonathan Vance, aura été remplacé à ce moment-là. Le général Vance a personnellement mené la lutte contre l’inconduite sexuelle au sein des Forces depuis qu’il a pris la tête de l’état-major en 2015. Il a rapidement lancé une offensive globale pour éradiquer de tels comportements. Mais il a annoncé en juillet son intention de prendre sa retraite et le gouvernement n’a pas encore nommé son successeur.

« La bonne chose à faire »

Lundi, à Ottawa, le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, n’a fait aucune mise à jour sur la recherche d’un nouveau chef d’état-major ni sur les excuses. « Soyez assurés que nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas obtenu le changement de culture approprié au sein des Forces armées canadiennes qui permet à tout le monde, en particulier aux femmes, de réussir dans un environnement sûr et leur permet d’atteindre leur plein potentiel », a-t-il déclaré.

Le vice-chef d’état-major, le lieutenant-général Mike Rouleau, déclarait récemment à La Presse Canadienne que ce geste officiel — « la bonne chose à faire » — serait accompagné d’une semaine de formation pour les militaires sur l’inconduite sexuelle.

Marie-Claude Gagnon, une ancienne réserviste navale qui a fondé un groupe de survivantes, a déclaré lundi que les excuses pourraient constituer un bel héritage pour le général Vance. Par contre, son successeur pourrait également envoyer un message de continuité et injecter une nouvelle énergie dans les efforts pour mettre fin aux comportements inappropriés et criminels. Mais peu importe le chef d’état-major, Mme Gagnon souhaite en tous cas « quelque chose d’authentique, qui soit bien fait et pris au sérieux ».

Mme Gagnon et Me Ptak estiment que des excuses aideront les victimes à guérir, en reconnaissant le tort qui leur a été fait après des années de déni. « Je pense que si ça vient de l’armée elle-même et de la Défense, cela montre une sorte de validation, que cela s’est vraiment produit », soutient Mme Gagnon.

Le premier ministre Justin Trudeau s’était personnellement excusé en Chambre, en 2017, pour les mauvais traitements infligés au personnel militaire LGBTQ au cours des décennies précédentes, avec des lettres d’excuses officielles envoyées par la suite à des centaines d’anciens militaires. Ces excuses ont précédé un règlement conclu par Ottawa avec les soldats et les fonctionnaires du ministère de la Défense victimes de discrimination et, dans certains cas, contraints de quitter leur emploi par ce qui a été décrit comme la « purge des homosexuels » au sein du gouvernement.

Interrogée sur la question de savoir si le premier ministre ou le ministre de la Défense devrait s’excuser à la place du chef d’état-major de la Défense et de la sous-ministre, Mme Gagnon a souligné que les politiques qui ont contribué à la purge étaient ordonnées par les gouvernements de l’époque. « C’est donc un peu différent. Je ne pense pas qu’il y ait eu un ordre (au gouvernement) d’agresser (sexuellement) les gens. »

Note aux lecteurs : Il s’agit d’une version corrigée. Dans une version précédente, on indiquait que les excuses à venir des Forces armées canadiennes faisaient partie d’un règlement à l’amiable. Or, la mesure est distincte de l’entente.