(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau a indiqué lundi que le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, examinait les allégations selon lesquelles la GRC aurait ignoré les plaintes de harcèlement psychologique visant un ancien directeur ensuite arrêté pour des accusations liées à la sécurité nationale et l’espionnage.

M. Trudeau était appelé à commenter une nouvelle poursuite civile qui allègue que Cameron Jay Ortis adoptait des comportements dégradants et abusifs envers des subalternes lorsqu’il était directeur général du Centre national de coordination du renseignement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

La Couronne soutient maintenant que Cameron Jay Ortis, âgé de 47 ans, a tenté de divulguer des informations secrètes à « une entité étrangère ou à un groupe terroriste ». Arrêté le 12 septembre 2019, il est accusé d’avoir violé trois articles de la Loi sur la protection de l’information ainsi que deux dispositions du Code criminel, notamment pour abus de confiance. Il est actuellement détenu à Ottawa pour la suite des procédures.

Or, dans une poursuite au civil en Cour supérieure de l’Ontario, trois personnes qui travaillaient pour lui allèguent sous serment qu’il les aurait dénigrées, qu’il aurait dévalorisé leur valeur et leur travail, et qu’il leur aurait causé une détresse et des souffrances psychologiques importantes. Francisco Chaves, Michael Vladars et Dayna Young affirment qu’à la fin de septembre 2016, il était devenu clair que Cameron Jay Ortis avait l’intention de forcer des employés à quitter l’organisation — ou de les congédier pour ensuite recruter des recrues plus faciles à contrôler.

« M. Ortis disait souvent à Mme Young qu’il ne l’aimait pas » et il dénigrait son travail, son expérience et ses qualifications pour le poste, selon les déclarations sous serment. « M. Ortis a également dit aux supérieurs immédiats de Mme Young qu’il ne croyait pas qu’elle était qualifiée ou capable, malgré des évaluations de rendement toujours positives et les commentaires positifs des partenaires nationaux et internationaux. »

La direction insensible

La poursuite décrit des efforts répétés pour alerter la haute direction de la GRC — efforts qui n’auraient apparemment pas donné grand-chose. Les trois plaignants affirment avoir finalement changé de poste au sein de la GRC pour éviter de travailler directement pour M. Ortis, qui a même adopté une attitude défensive à la suite de leurs plaintes.

Dans l’ensemble, leurs tentatives d’alerter la haute direction de la GRC « se sont heurtées à l’inaction et, dans certains cas, au ridicule », indique la poursuite. « Cette incapacité à agir […] s’est poursuivie en 2018 et 2019, alors que les employés (du centre) continuaient de tenter de faire part de leurs préoccupations et que le comportement de M. Ortis empirait. »

Les allégations n’ont pas été prouvées devant les tribunaux et la GRC n’a pas encore déposé sa réponse écrite à la poursuite. Il a été impossible lundi d’obtenir les commentaires de la police fédérale ou du cabinet du ministre Blair.

Selon les trois plaignants, la GRC leur aurait indiqué qu’elle croyait maintenant « que M. Ortis les avait systématiquement ciblés, et avait attaqué leur carrière, dans le cadre de son plan plus large visant à détourner leur travail et à l’utiliser à des fins personnelles », indiquent les documents judiciaires.

En outre, un rapport indépendant commandé par la GRC, fourni en juin sous forme caviardée aux trois plaignants, a conclu qu’« un manque de leadership s’était produit à tous les niveaux de la haute direction dans le traitement des préoccupations et des plaintes contre M. Ortis ».

Le rapport, préparé par l’ancien officier de la GRC Alphonse MacNeil, a également conclu que ce cas illustrait la nécessité de sélectionner plus soigneusement les personnes occupant des postes de direction. Cette affaire démontre aussi que le système de traitement des plaintes de harcèlement au sein de la GRC ne servait pas bien le corps policier, ajoute la poursuite en citant le rapport.