(Ottawa) La pandémie de COVID-19 a considérablement augmenté le nombre de personnes souffrant de la faim en Amérique latine, ce qui pourrait déclencher un nouvel exode vers le nord, prévient le directeur général du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (WFP).

L’avertissement de David Beasley survient au moment où l’Aviation royale canadienne se préparait samedi à mettre fin à une mission de près de deux semaines au cours de laquelle un C-17 Globemaster a transporté vers l’Amérique centrale et les Caraïbes des tonnes de fournitures médicales.

Dans une entrevue à La Presse canadienne, M. Beasley signale que l’insécurité alimentaire a augmenté de 269 % dans cette région du globe depuis le début de la pandémie.

Avant la crise, le nombre de personnes qui « marchaient déjà au bord de la famine » s’élevait à 4,7 millions. Aujourd’hui, ce nombre aurait bondi à 16 millions, estime-t-il.

M. Beasley a félicité le Canada pour avoir prêté son Globemaster et une trentaine de membres du personnel pour collaborer avec le WFP et l’Organisation mondiale de la santé. L’appareil a livré des fournitures dans toute l’Amérique centrale à partir d’une nouvelle base érigée au Panama.

Toutefois, si on ne réagit pas plus promptement à la plus grave crise humanitaire de l’histoire du WFP, la mort et les bouleversements économiques politiques qu’elle provoque s’ensuivront.

L’agence lance une collecte de fonds afin de ramasser 4,9 milliards pendant six mois afin de nourrir 138 millions de personnes dans 83 pays. Depuis le début de la pandémie, l’insécurité alimentaire a plus que doublé dans l’ouest de l’Afrique (158 %) et presque que doublé en Afrique australe (90 %).

S’attaquer à ce problème coûtera aussi des centaines de millions de dollars, signale M. Beasley.

« La première chose est de faire ce qui est bien et de faire ce qui est juste. Et si cela ne suffit pas, il faut le faire dans l’intérêt de votre sécurité nationale, souligne-t-il. En me référant aux expériences passées, je ne vois pas comment on pourra arrêter l’immigration massive si la détérioration économique se poursuit et si on ne met pas en place des filets de sécurité. »

Cette immigration ne se déroulera pas aujourd’hui ou même demain, mais elle surviendra bientôt, ajoute M. Beasley.

L’Amérique du Sud était déjà aux prises avec une crise des réfugiés provoquée par la situation au Venezuela. Avant la pandémie, l’ONU estimait que six millions de Vénézuéliens fuiraient le pays avant la fin de l’année. Les pays voisins comme la Colombie, le Pérou et l’Équateur ont accueilli la grande partie de ce flux migratoire.

PHOTO LUIS ROBAYO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Joel Mendoza et son fils Sebastian arrivant au bureau des services d'immigration de Tumbes, au Pérou, en août 2018.

La crise sanitaire a accentué la tension dans cette région. M. Beasley rapporte que les dirigeants de ces pays lui avaient fait part de leur grande inquiétude.

« La communauté internationale doit se mobiliser, sinon, il y aura le chaos, prophétise-t-il. Nous avons un vaccin contre ce chaos : la nourriture. »

M. Beasley a rencontré la semaine dernière au Panama le lieutenant-colonel. Adam Pentney, qui commande le 429e Escadron de transport de l’aviation canadienne. Il a aussi rencontré l’équipage du Globemaster qui chargeait alors des équipements de protection individuelle, des fournitures médicales et d’autres articles humanitaires à bord de l’appareil.

« Ce C-17 est une bénédiction à une époque où nous en avons le plus besoin. Comme vous pouvez l’imaginer, nous sommes extrêmement reconnaissants au gouvernement canadien de fournir cet appui, lance M. Beasley. C’était un spectacle magnifique. C’est un soutien humanitaire qui sauve des vies. Cela montre ce qui se passe lorsque le monde collabore. »

PHOTO MICHAL CIZEK, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un C-17 Globemaster

Le lieutenant-colonel Pentney reconnaît que c’était la première fois qu’il participait à une mission humanitaire aussi près du Canada.

« C’est dans une région où nous ne nous rendons pas souvent », reconnaît-il.

La mission de vendredi qui devait amener Adam Pentney et son équipage au Guatemala devait être la dernière avant son retour au pays.

« La pandémie est bien réelle ici. Le Canada a un rôle à jouer ici, dans son arrière-cour. Nous sommes heureux de pouvoir y contribuer », s’est-il exprimé.

L’officier ignorait s’il y aura d’autres missions semblables pour le Globemaster canadien dans la région. En attendant, M. Beasley dit qu’il intensifie ses efforts de collecte de fonds afin de cibler un autre groupe de donateurs, car il est conscient que les gouvernements mondiaux ont déjà dépensé des sommes colossales pour lutter contre la pandémie.

« Nous sommes dans la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est temps pour les milliardaires d’intervenir et de prouver qu’ils se soucient de l’humanité et de la planète. Nous sommes à la croisée des chemins en ce moment », formule le directeur du WFP.