(Ottawa) La Cour fédérale estime que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a adopté « une attitude cavalière » à l’égard de la primauté du droit et demande donc un « examen externe exhaustif » du service d’espionnage.

Le juge Patrick Gleeson conclut que le SCRS n’a pas divulgué qu’il s’était appuyé sur des informations probablement recueillies de façon illégale lors d’une demande de mandats pour enquêter sur des menaces terroristes, et que cela fait partie d’un contexte préoccupant au sein du service d’espionnage.

Dans sa décision, rendue publique jeudi, le juge Gleeson recommande « qu’un examen externe exhaustif soit effectué afin de relever l’ensemble des lacunes et des défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance qui ont eu pour conséquences que le SCRS a mené des activités opérationnelles dont il a reconnu l’illégalité et a manqué à son obligation de franchise ».

À son avis, « toute démarche de portée inférieure ne saurait assurer le rétablissement et l’accroissement de la confiance dont jouit le Service à titre d’institution nationale essentielle ».

Le directeur du SCRS, David Vigneault, a indiqué jeudi dans un communiqué qu’il prenait « très au sérieux » les conclusions de la Cour et s’est dit « résolu à faire en sorte que le SCRS comprenne bien ses obligations » envers les tribunaux.

Les ministres fédéraux de la Sécurité publique et de la Justice ont aussi rapidement annoncé qu’ils avaient demandé à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement d’examiner les conclusions du juge Gleeson et de soumettre au gouvernement des recommandations.

Respect de la primauté du droit

Cette décision intervient quatre ans après que la Cour fédérale a conclu que le SCRS avait conservé illégalement des données électroniques sur des personnes qui ne représentaient aucune menace pour la sécurité. La Cour avait alors estimé que le SCRS avait manqué à son obligation d’informer le tribunal du programme de collecte de données.

Dans la récente décision, le juge Gleeson se dit conscient des défis que doivent relever ceux qui ont la responsabilité du renseignement de sécurité, essentiel à la sécurité nationale. « Toutefois, malgré cela, la Cour et le public canadien doivent être persuadés que le respect de la primauté du droit est, et demeure, un principe fondamental de toute décision relative au renseignement de sécurité au pays », précise-t-il.

« Les circonstances exposées dans les présentes donnent à penser qu’à l’échelle organisationnelle, dans une certaine mesure, les différents intervenants ont fait peu de cas de l’obligation de franchise et — malheureusement — de la primauté du droit ou, tout au moins, ont adopté à leur égard une attitude cavalière. »

Dans une déclaration commune, les ministres de la Sécurité publique, Bill Blair, et de la Justice, David Lametti, ont annoncé qu’ils avaient retenu les services d’un conseiller indépendant pour assurer la mise en œuvre des recommandations de l’Office au sein du ministère de la Justice. L’ex-juge de la Cour suprême Ian Binnie pourra aussi « aider à veiller à ce que (le SCRS et le ministère de la Justice) puissent exercer leurs fonctions devant la Cour lorsqu’(ils) font une demande de mandats ».

Bien qu’il soit « absolument déterminé à remédier à la conclusion de la Cour » sur le fond, le gouvernement fait par ailleurs appel du jugement Gleeson « pour des motifs juridiques étroits, mais importants, concernant le secret professionnel de l’avocat et la capacité du gouvernement à fournir et à obtenir un conseil juridique à l’avenir ».