(Tyendinaga) Les gestes de perturbation sur les voies ferrées se poursuivent au Québec — à Listuguj, en Gaspésie, et à Kahnawake — et en Ontario en solidarité avec la nation Wet’suwet’en en Colombie-Britannique opposée à un projet de gazoduc.

Une rencontre se tiendra, samedi, à Tyendinaga, en Ontario, entre les Mohawks et le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, à un passage à niveau de la voie du Canadien National.

PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES REUTERS

Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller

Vendredi, des Mohawks avaient affirmé en premier qu’ils s’entretiendraient samedi avec le ministre fédéral. M. Miller avait demandé une telle rencontre plus tôt cette semaine, et a confirmé sur Twitter qu’il serait présent.

« Le ministre […] a demandé le “polissage de la chaîne d’argent”, l’une des premières alliances entre les Mohawks et la Couronne, pour se pencher sur les enjeux communs au Canada et aux Mohawks », soutient le communiqué des Mohawks.

« Demain (samedi), il arrivera au passage à niveau du CN sur la route Wyman à 10 ham. Les Mohawks ont accepté de le rencontrer. »

Une poignée de manifestants ont poursuivi vendredi le blocage d’un tronçon clé des chemins de fer dans l’est de l’Ontario, cependant que la Police provinciale fait face à une pression croissante pour les déloger. Mais les policiers ontariens ont appris des affrontements violents d’Ipperwash, en 1995, qui avaient entraîné la mort du militant autochtone Dudley George.

Des policiers sont sur les lieux de l’occupation en territoire mohawk de Tyendinaga, près de Belleville, en Ontario, mais sont garés loin des voies ferrées où campent des manifestants depuis plus d’une semaine. Les manifestants sont solidaires des chefs héréditaires de la première nation des Wet’suwet’en, qui s’opposent à un important projet de gazoduc qui traverserait leur territoire ancestral dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Une injonction du tribunal, prononcée la semaine dernière en Ontario, ordonne aux manifestants d’abandonner leur moyen de pression, qui paralyse maintenant le transport de passagers et de marchandises dans une grande partie du pays. L’occupation en Ontario, combinée à des moyens de pression similaires en Colombie-Britannique et au Québec, a poussé le Canadien National et Via Rail à annoncer jeudi la fermeture de tout leur réseau dans l’est du Canada.

La Police provinciale de l’Ontario (OPP) défend sa gestion de crise, affirmant que des policiers avaient eu des entretiens avec les manifestants tout au long de la semaine, conformément au cadre mis en place pour résoudre les conflits potentiels avec les communautés autochtones.

L’OPP soutient que le pouvoir discrétionnaire exercé par la police ne doit pas être confondu avec un laxisme dans l’application des lois. « Le bon usage du pouvoir discrétionnaire de la police est une approche valable et appropriée pour désamorcer des situations comme celle-ci », a indiqué le porte-parole, Bill Dickson.

Un certain nombre d’injonctions ont été prononcées par les tribunaux dans le but de déloger les manifestants, mais la plupart ont été ignorées. Lorsqu’un de ces documents judiciaires a été remis aux manifestants ontariens au cours de la fin de semaine dernière, il a été incendié sur la voie ferrée.

On se rappelle Ipperwash

Un nombre croissant de dirigeants d’entreprise demandent l’intervention du gouvernement ou de la police pour déloger les manifestants ; le chef conservateur fédéral, Andrew Scheer, leur a fait écho, vendredi. Mais le ministre des Transports, Marc Garneau, a déclaré que la situation était plus nuancée, reconnaissant que la longue histoire entre la Police provinciale de l’Ontario et les communautés autochtones exigeait peut-être plus de doigté.

Le ministre a notamment rappelé les affrontements violents d’Ipperwash en 1995. « C’est (aux autorités ontariennes) de décider comment aborder la situation », a soutenu le ministre québécois, qui se souvient probablement aussi de la crise d’Oka en 1990.

Justin Trudeau a également souligné vendredi que les policiers pouvaient faire usage de leur pouvoir discrétionnaire face à de telles situations. « Nous ne sommes pas le genre de pays où les politiciens disent à la police comment agir », a déclaré le premier ministre en conférence de presse à Munich, en Allemagne.

Une commission d’enquête publique a conclu que la Police provinciale de l’Ontario était en grande partie responsable de l’impasse lors de l’occupation autochtone au parc provincial d’Ipperwash. Le commissaire Sidney Linden a constaté que « l’insensibilité culturelle et le racisme » des policiers provinciaux avaient joué un rôle dans ces incidents.

Le cadre de gestion de crise actuellement en place a d’ailleurs été élaboré à la suite des événements d’Ipperwash ; ce cadre commande explicitement une réponse mesurée qui tienne compte des perspectives autochtones. « C’est le rôle de la Police provinciale de l’Ontario et de ses membres de tout mettre en œuvre avant un incident critique pour comprendre les problèmes et protéger les droits de toutes les parties concernées tout au long du cycle de conflit », indique ce cadre d’intervention.

Le porte-parole Dickson a déclaré que les policiers continueront d’appliquer ce cadre à Tyendinaga, où personne n’a été arrêté jusqu’ici. « L’OPP respecte le droit de chacun à la liberté d’expression et de réunion pacifique, mais nous reconnaissons également le droit des citoyens, des résidents locaux et des entreprises à un environnement sécuritaire », a-t-il expliqué.

Au Québec

Un petit groupe de personnes du territoire micmac de Listuguj, en Gaspésie, maintenait vendredi le blocage d’une voie ferrée dans leur communauté.

Éric Dubé, président de la Société du chemin de fer de la Gaspésie, a déclaré que le blocage amorcé lundi coûtait à son entreprise environ 15 000 $ par jour en perte de revenus.

M. Dubé a affirmé avoir parlé aux manifestants mercredi et s’être fait dire qu’ils étaient là le temps qu’il faudrait pour soutenir les chefs héréditaires de la première nation Wet’suwet’en dans le nord de la Colombie-Britannique.

Peter Arsenault, directeur de la sécurité publique pour Listuguj, a dit que son département n’avait pas l’intention de retirer le petit campement de personnes de sa communauté près de la voie ferrée.

Il a affirmé que la police ne voulait pas d’une escalade et qu’elle ne tenterait pas de renvoyer les manifestants sans l’autorisation du conseil de bande.

L’occupation des voies à Kahnawake, au sud de Montréal, se poursuit également depuis la fin de semaine dernière. Les manifestants ont déclaré plus tôt cette semaine qu’ils resteraient en place tant que la Gendarmerie royale du Canada ne quitterait pas le territoire de la nation Wet’suwet’en.