(Ottawa) Statistique Canada jongle avec une révision du mode de calcul du seuil de pauvreté utilisé par le gouvernement fédéral, qui pourrait se traduire par un plus grand nombre de Canadiens vivant sous le seuil de faible revenu.

La dernière mise à jour de cette mesure canadienne, en 2008, avait rehaussé le seuil de sécurité financière utilisé pour définir le « faible revenu » : les taux de pauvreté au Canada avaient alors augmenté de 2,2 %. Des experts croient que l’intention de Statistique Canada de modifier la « mesure fondée sur un panier de consommation », au début de l’an prochain, pourrait entraîner une hausse similaire des taux de pauvreté au pays.

Cette mesure calcule le minimum qu’une personne ou une famille devrait gagner afin de payer un panier de biens et services nécessaires pour un niveau de vie « modeste » ou « de base ». Les libéraux ont adopté cette mesure comme seuil de pauvreté officiel du pays l’an dernier et ont prévu 12 millions sur cinq ans pour mettre à jour ce fameux panier de consommation, qui n’inclut pas actuellement certaines dépenses, par exemple les services sans fil.

En juillet, le ministère de l’Emploi et du Développement social et son titulaire de l’époque avaient été informés que des responsables fédéraux décideraient « des mesures à prendre » concernant les recommandations de Statistique Canada, y compris les changements qui devraient être mis en œuvre et ceux qui devraient faire l’objet de plus de recherche. Un rapport final de Statistique Canada est attendu en février.

La Presse canadienne a obtenu des copies des notes internes, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. On apprend que Statistique Canada a publié des rapports décrivant les mises à jour possibles du coût et des articles à mettre dans le panier de biens et services, ainsi que les seuils de « revenu disponible » — le revenu qu’une famille a à sa disposition après les impôts et les diverses retenues à la source.

Nourriture, transport et logement

Statistique Canada propose aussi de prendre en compte les changements apportés au Guide alimentaire canadien dans le coût des aliments, et de mettre à jour les coûts de transport pour refléter les résultats du recensement selon lesquels certains salariés à faible revenu prennent le transport en commun alors que d’autres utilisent leur voiture. L’agence fédérale a également suggéré que lors du calcul, les propriétaires d’une maison avec hypothèque et les personnes vivant dans un logement subventionné soient mis sur un « meilleur pied d’égalité » avec les locataires de logement.

Garima Talwar Kapoor, directrice des politiques et de la recherche à la fondation Maytree, qui lutte contre la pauvreté, rappelle que le coût du logement, par exemple, a augmenté plus rapidement que les revenus au cours des 10 dernières années, ce qui pourrait faire augmenter le pourcentage de Canadiens vivant dans la pauvreté. Elle soutient d’ailleurs qu’un effet similaire s’était produit lors de la mise à jour de 2008 — les coûts avaient augmenté plus rapidement que les revenus.

Les libéraux ont affirmé que sous leur gouverne, plus de 800 000 personnes, dont quelque 280 000 enfants, avaient été sorties de la pauvreté et que les taux avaient chuté d’environ 20 % par rapport à leur niveau de 2015.

Iglika Ivanova, économiste principale au Centre canadien de politiques alternatives, ne croit pas qu’un nouveau seuil fera grimper dramatiquement ces taux de pauvreté au Canada. Les changements pourraient toutefois tirer sous le seuil ceux qui sont présentement juste au-dessus, même si leur situation n’a pas vraiment changé, croit Mme Ivanova.

L’économiste estime qu’il est important de mettre à jour ces calculs, parce que les gouvernements pourraient faire dire à ces chiffres « qu’ils en ont fait assez » pour lutter contre la pauvreté.