(Montréal) L’avocat d’un demandeur d’asile, qui doit être déporté vers la Guinée samedi et qui dit craindre pour sa vie en raison de son orientation sexuelle, demande à Justin Trudeau d’intervenir. Mercredi, la Cour fédérale a refusé d’accorder un sursis à l’homme que l’on identifie sous le pseudonyme de Karim pour des raisons de sécurité, et ce malgré l’abondance de preuves dont son avocat dit disposer.

L’audience pour demander un sursis à la déportation en Cour fédérale a eu lieu lundi après-midi et la décision négative a été rendue en fin de journée mercredi.

Me Stewart Istvanffy, qui représente le Guinéen, se tourne maintenant vers le premier ministre du Canada Justin Trudeau afin qu’il intervienne pour faire annuler la déportation.

« Le premier ministre Justin Trudeau a dit qu’il est favorable à l’égalité des droits pour les gais et cette décision va à l’encontre des valeurs canadiennes et du respect à l’égalité des droits », a commenté l’avocat spécialisé en immigration et droit de la personne.

Selon lui, la cour a échoué à faire respecter la Charte des droits et libertés de la personne et les obligations internationales du Canada.

« Si vous voulez mon opinion, il sera expulsé à cause d’une intervention discriminatoire contre sa demande à la section de protection des réfugiés du CISR (NDLR : Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada) et parce que le gouvernement n’est pas prêt à mettre fin aux pratiques discriminatoires de l’Agence des services frontaliers du Canada », a dénoncé l’avocat extrêmement déçu du verdict.

Me Istvanffy insiste sur le fait que les preuves sont accablantes et qu’il n’y a aucune raison de ne pas croire l’histoire de son client. Le juriste prépare d’ailleurs une fronde contre l’Agence des services frontaliers du Canada, dont les agents feraient preuve d’homophobie et de discrimination contre les demandeurs LGBTQ+.

La dernière chance dont dispose Karim repose sur une intervention de dernière minute du premier ministre, du ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, ou de son collègue de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Le ministre Hussen est déjà intervenu une première fois dans le dossier, en 2017, alors qu’il avait annulé une première déportation de Karim et lui avait accordé un permis de séjour temporaire de six mois. Le renouvellement de ce permis de séjour a par la suite été refusé.

À une semaine du festival Fierté Montréal, qui doit débuter le 8 août, plusieurs organismes qui soutiennent Karim y voient un exemple clair de la difficulté qu’ont les gens de la communauté LGBTQ+ à faire respecter leurs droits.

Karim a fui la Guinée pour demander le statut de réfugié au Canada après que sa famille et le parti politique d’opposition au sein duquel il militait eurent découvert sa bisexualité. Marié et père de famille, il vivait en quelque sorte une double vie en cachette.

Il affirme avoir été victime de tortures et de menaces. Sa femme, qui continue de l’appuyer, doit se cacher avec leurs enfants pour échapper aux menaces, selon Meriem Benslimane, de l’organisme Action LGBTQ avec les immigrant (e) s et réfugié (e) s. Elle rappelle que l’homosexualité est criminalisée en Guinée.

En conférence de presse, dimanche dernier, Karim a imploré le gouvernement canadien à l’aider. « Je ne suis pas un criminel. Tout ce que je demande, c’est une protection », a supplié le jeune homme.

Comme sa famille l’a renié, que son parti politique l’a dénoncé et que ses amis l’ont abandonné, il ne voit qu’un seul scénario possible s’il est déporté en Guinée.

« C’est la mort qui m’attend. Rien que ça. »

L’attaché de presse du ministre de l’Immigration a transmis une déclaration par courriel.

« Nous comprenons que les décisions sur les cas d’immigration peuvent avoir un impact profond sur la vie des individus. Nous sommes déterminés à faire en sorte que les personnes renvoyées du Canada ne soient pas envoyées dans un pays où elles seraient en danger ou exposées à la persécution », écrit Mathieu Genest.

Il ajoute que la décision de déporter un individu « n’est pas prise à la légère » et que toute personne « a droit à une procédure bien établie, qui comprend différents niveaux d’appel ».