(Saskatoon) Un vent frisquet a soufflé jeudi sur la conférence de presse en clôture du Conseil de la fédération lorsque Brian Pallister, du Manitoba, et François Legault, du Québec, sont revenus sur leur rencontre qui visait à faire le point sur la laïcité.

Le chef du gouvernement manitobain avait annoncé la veille qu’il ferait part de ses préoccupations concernant la loi québécoise sur les symboles religieux directement au premier ministre Legault.

M. Pallister, qui cherche à se faire réélire au Manitoba le 10 septembre prochain, qualifie la législation québécoise de dangereuse et de contraire aux valeurs canadiennes. Il dit aussi croire qu’elle peut être potentiellement oppressive.

La loi, adoptée en juin à l’Assemblée nationale, interdit aux employés de l’État en position d’autorité coercitive, comme les juges, les policiers et les gardiens de prison, de porter des signes religieux dans l’exercice de leurs fonctions. Cette interdiction s’étend aussi aux enseignants du réseau public.

Elle est actuellement contestée devant les tribunaux par Ichrak Nourel Hak, une étudiante en enseignement qui porte le hijab — et qui n’aura donc pas le droit de pratiquer son métier lorsqu’elle obtiendra son diplôme, si elle refuse de retirer son symbole religieux. La contestation de Mme Hak est soutenue par le Conseil national des musulmans canadiens et l’Association canadienne des libertés civiles.

Brian Pallister dit croire que la loi québécoise cible des gens en se basant sur leur apparence, ajoutant qu’il sait comment on peut se sentir dans une telle situation. « Je faisais 6 pieds 3 pouces en septième année, dans une petite école, alors vous pouvez deviner comment ça se passait dans la cour. […] Je sais ce que ça fait d’être harcelé parce qu’on est différent. Je n’aime pas ça », avait-il relaté devant les journalistes mercredi.

Jeudi, la question lui a été posée à savoir si lui et M. Legault s’étaient bel et bien parlé dans le blanc des yeux. « Je pense qu’il est un brave homme », a-t-il débuté, visiblement mal à l’aise, alors qu’il était assis à la même table que tous les premiers ministres.

« Nous ne nous entendons pas sur la loi 21. Le premier ministre a le droit, il a fait campagne en demandant une permission pour agir dans ce dossier, il a le droit de faire avancer son projet de loi, et je respecte cela. Je ne suis pas d’accord, les Manitobains célèbrent leur diversité, je crois que le pays le fait aussi, je ne crois pas qu’il faille cacher cela. Ma position demeurera la même, et peut-être que celle du premier ministre demeurera la même également. »

Aucun autre premier ministre n’a osé dénoncer publiquement la loi québécoise lors du Conseil de la fédération. Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, avait manifesté son opposition à la loi lors d’un tête-à-tête avec François Legault à Québec, le 12 juin, tandis que l’administration Ford avait gazouillé sa désapprobation par la voix de son ministre Prabmeet Sarkaria.

Les Canadiens opposés à la loi québécoise ?

Interrogé à son tour, M. Legault a poliment prié son homologue manitobain de prendre connaissance du sondage Nanos Research, publié le matin même dans The Globe and Mail.

« Il n’y a pas unanimité au Canada, a-t-il insisté. C’est très partagé partout au Canada. »

Il a qualifié la discussion avec M. Pallister de « respectueuse ». « Maintenant au Québec, la question a été tranchée », a-t-il dit.

Le coup de sonde, mené auprès de 1000 personnes entre le 29 juin et le 4 juillet, suggère que les Canadiens sont peut-être moins opposés à la loi québécoise sur la laïcité qu’on ne pourrait le croire.

Selon Nanos Research, 53 % des Canadiens sont opposés, ou plutôt opposés, à la loi, contre 45 % qui sont d’accord ou plutôt d’accord.

Dans les Maritimes, 61,5 % des répondants s’opposent à la mesure législative, comparativement à 60,4 % en Ontario, 56,8 % dans les Prairies et 56,4 % en Colombie-Britannique. Trente-6 % des Québécois sondés sont contre la loi du gouvernement Legault.

Par ailleurs, 48 % des Canadiens appuieraient la décision du gouvernement fédéral de ne pas immédiatement contester la loi devant les tribunaux. Et 38 % voudraient qu’Ottawa la conteste.

Le sondage de Nanos Research comporte une marge d’erreur de plus ou moins 3,1 %, 19 fois sur 20.