S’autoproclamer « shaman » ou « guide spirituel » autochtone « relève de l’escroquerie », dénonce l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), qui met la population en garde contre ces « imposteurs » et qui écorche au passage les gouvernements « complices d’un tel simulacre ».

Réagissant à une enquête de La Presse, l’APNQL entend non seulement demander des comptes aux autorités carcérales, mais aussi constituer un répertoire de personnes reconnues par les Premières Nations comme étant aptes à offrir des services traditionnels, culturels et spirituels authentiques.

Notre enquête a révélé que des Québécois s’autoproclament « aînés » et décrochent de lucratifs contrats dans les pénitenciers fédéraux de la province pour aider les détenus autochtones à renouer avec leur spiritualité et leurs traditions. Ces soi-disant « aînés » ne sont pourtant reconnus par aucune des Premières Nations.

Des centaines de criminels – dont des Hells Angels – se déclarent quant à eux autochtones dès leur arrivée au pénitencier, ce qui leur permet de bénéficier de certains avantages, comme une réévaluation plus rapide de leur cote de sécurité et, éventuellement, une libération conditionnelle anticipée.

Pour obtenir cette réévaluation, les détenus doivent participer à un « Sentier de guérison », programme destiné aux détenus autochtones aux prises avec de lourds antécédents sociaux.

« Dans le milieu carcéral, des membres de nos communautés sont soustraits de certains programmes ou services au bénéfice d’autres personnes qui n’y ont peut-être même pas droit. C’est ce que révèle votre reportage et nous, on ne souhaite pas laisser passer ça », affirme le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, en entrevue avec La Presse.

L’APNQL interpellera les autorités carcérales « afin que le processus de vérification de l’authenticité et de l’affiliation autochtone de certains détenus soit plus rigoureux ».

Autodéclaration

Pour le moment, la façon dont le Service correctionnel du Canada détermine si un délinquant est autochtone se fonde uniquement sur le principe de l’autodéclaration. Si un détenu se dit autochtone, le Service doit le considérer comme tel.

Le même principe s’applique aux employés qui s’autodéclarent autochtones afin d’obtenir des postes d’aînés ou d’agents de liaison autochtones.

L’APNQL se dit préoccupée par le nombre croissant de personnes qui prétendent « frauduleusement » être membres d’une des Premières Nations pour vendre des produits et services autochtones.

« Jusqu’où iront-ils ? L’exploitation de la vulnérabilité de nos membres est inacceptable en tout point, mais certains s’y adonnent sans gêne, et même parfois avec l’appui formel des gouvernements qui se font ainsi les complices d’un tel simulacre », dénonce le chef Picard dans un communiqué.

« Dans un contexte où l’appropriation culturelle soulève des préoccupations, lesquelles font l’objet de positions fermes de la part des Premières Nations et des groupes autochtones reconnus de partout dans le monde, il n’y a pas plus malhonnête que de tromper le public de façon aussi flagrante en s’adonnant à de la fausse représentation. »