Un groupe de plus de 80 travailleuses domestiques venues au pays il y a quatre ans et qui s’étaient fait promettre un accès à la résidence permanente dans le cadre d’un programme spécial fédéral déplorent aujourd’hui être plongées dans l’incertitude quant à leur avenir. Depuis février 2019, à la suite du dépôt du projet de loi 9 à Québec, plusieurs ont vu leurs démarches d’immigration être suspendue ou reportées.

« Bien que ces aidantes aient tant sacrifié afin d’obtenir leur résidence permanente […] plusieurs ont reçu une lettre en février 2019 disant que leur demande de CSQ (certificat de sélection du Québec) était suspendu », a expliqué Jasmin de la Calzada de l’Association des femmes Philippines du Québec.

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Conférence de presse de travailleuses domestiques affectées par le projet de loi 9 du gouvernement du Québec. Au centre, Jennifer Rentiquiano et Baby Aurea Santos Albay.

Arrivée au Québec en 2016, Baby Aurea Santos Albay œuvre depuis comme travailleuse domestique dans une famille d’Hamstead. Incapable de retenir ses larmes, elle a déploré le fait d’être aujourd’hui incapable de savoir si elle pourra rester au Québec et faire venir sa fille, laissée derrière aux Philippines. « C’est difficile pour une mère de ne pas s’inquiéter chaque jour pour sa fille adolescente laissée aux Philippines », a témoigné ce matin Mme Santos Albay, en attente de savoir si un certificat de sélection du Québec lui sera attribué ou non.

Jennifer Rentiquiano est aussi arrivée au Québec en 2016. « Comme plusieurs de mes collègues, j’ai travaillé de longues heures. […] On a fait ces sacrifices avec la promesse d’être un jour résidentes permanentes ici au Québec », a dit Mme Rentiquiano.

Après avoir reçu une lettre en février disant que ses démarches afin d’obtenir sa résidence permanente étaient mises sur la glace, Mme Rentiquiano a remué ciel et terre et a finalement reçu son certificat de sélection du Québec (CSQ). « Le cauchemar bureaucratique a enfin pris fin. Je suis reconnaissante de l’avoir obtenu. Mais le stress et l’anxiété que ça nous cause est injuste », dit Mme Rentiquiano.

Mme de la Calzada ajoute que des dizaines de travailleuses domestiques sont toujours dans l’incertitude ou doivent subir d’importants retards dans le traitement de leur dossier.

Longues démarches

Le groupe de 80 travailleuses domestiques affectées par le projet de loi 9 sont arrivées au Québec grâce à un ancien programme fédéral de travailleurs étrangers, expiré en 2014. Selon ce programme, ces résidentes pouvaient obtenir une résidence permanente après deux ans de travail.

La majorité d’entre elles ont déjà obtenu une lettre d’éligibilité du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada. Une fois cette lettre obtenue, le ministère provincial de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) doit envoyer aux candidates des formulaires de demande pour qu’elles puissent obtenir leur certificat de sélection du Québec (CSQ). Mais depuis décembre 2018, le MIDI a cessé d’envoyer ces formulaires, selon le groupe. Et pour les candidates ayant préalablement obtenu leur formulaire et envoyé leur demande de CSQ, le traitement de leur dossier est suspendu ou retardé depuis février 2019.

« On croit que ces femmes devraient être placées dans une catégorie à part afin qu’elles ne soient pas affectées par le projet de loi 9. Qu’elles soient traitées à part des 18 000 personnes affectées par le projet de loi 9 », affirme Mme de la Calzada.

Déposé en février, le projet de loi 9 vise à « accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes ». Si cette loi est adoptée, 18 000 dossiers d’immigration déjà ouverts pourraient être fermés.