Le débat acharné sur la sécurité des États-Unis a incité les émissaires du Canada à Washington à se préparer pour contrer de nouveau d'éventuelles critiques sur la plus longue frontière non défendue au monde, au moment où la paralysie de l'appareil fédéral américain entre dans sa quatrième semaine.

Le débat qui fait rage chez nos voisins du Sud sur la construction d'un mur entre les États-Unis et le Mexique pourrait s'élargir pour tenir compte de l'immense frontière que le pays partage avec le Canada.

Une impasse budgétaire perdure à Washington alors que la Maison-Blanche tient à obtenir le financement pour ériger un mur à la frontière américano-mexicaine, ce que les démocrates du Congrès refusent obstinément. Le gouvernement est partiellement paralysé depuis près d'un mois maintenant.

Alors que les discussions portaient principalement sur la frontière du Sud, le reportage d'un média américain suggère que les démocrates vont changer de cap pour parler de la frontière canado-américaine, qui selon les statistiques, poserait un plus grand risque pour la sécurité intérieure américaine.

Le représentant Lou Correa, un démocrate de la Californie et un membre important du comité de la Chambre des représentants sur la sécurité intérieure, a confié au site Politico qu'il entendait se pencher sur la possibilité qu'il y ait des failles de sécurité au Nord dont devraient se soucier les États-Unis.

Les Canadiens s'inquiètent depuis plusieurs années du possible renforcement de la frontière américaine, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Selon le réseau NBC, entre octobre 2017 et avril 2018, les autorités douanières des États-Unis ont appréhendé six fois plus d'individus apparaissant sur la liste de suspects terroristes à la frontière canadienne qu'à la frontière mexicaine.

Une «relation de travail phénoménale»

L'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, a déclaré qu'il souhaitait discuter avec les législateurs américains du domaine dans lequel la relation entre les deux pays est au mieux : la gestion des préoccupations de sécurité communes aux deux pays.

«Je dirais que c'est plus une occasion qu'un problème», a affirmé M. MacNaughton en entrevue. «Cela nous permet de parler du degré de coopération en matière de sécurité que nous avons, une relation de travail phénoménale.»

Il a notamment cité un programme connu sous le nom de Shiprider (officiellement appelé Opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi) dans le cadre duquel des responsables des deux pays font équipe à bord de navires canadiens et américains pour appliquer de manière plus transparente les lois nord-américaines dans les eaux de l'un ou l'autre pays.

«Il y a toutes sortes de bonnes nouvelles dont nous devons parler, et c'est une chose que nous devrions faire - nous ne devrions pas nous en priver», a dit M. MacNaughton.

Les craintes d'un alourdissement majeur de la frontière canado-américaine ont atteint un sommet dans les mois et les années qui ont suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, en raison d'affirmations erronées selon lesquelles les assaillants d'Al-Qaïda, tous résidants légaux des États-Unis, étaient entrés dans le pays par le Canada.

«Il nous a fallu beaucoup de temps pour contrer le récit des gars du 11-Septembre venant du Canada», a reconnu l'ambassadeur.

Et pourtant, même si certains Américains entretiennent des idées fausses sur le Canada et la sécurité nationale, des rapports récents laissent croire que la frontière nord représente une menace beaucoup plus grande pour les Américains que la frontière sud, du moins en ce qui concerne le terrorisme.

Chris Sands, directeur du Centre d'études canadiennes de l'Université Johns Hopkins, a dit craindre pour sa part que si le Congrès américain commence effectivement à examiner de plus près les opérations qui se déroulent à la frontière canado-américaine, des ressources risquent d'être réaffectées à la frontière sud pour des impératifs politiques.

«Si le Congrès s'attardait à la frontière nord, il découvrirait que nous avons fait plus de promesses que ce que nous avons tenu. Ce que je crains, c'est qu'il décide ensuite qu'il y a de l'argent là-bas qu'il peut peut-être détourner vers la frontière avec le Mexique», a expliqué M. Sands.

«Si l'on en vient à pratiquement déclarer une urgence nationale présidentielle, ou autre chose, alors vous pouvez bien sûr comprendre la justification - "Et bien, si le Mexique est la plus grande préoccupation, alors déplaçons de l'argent. " Mais l'expérience que nous avons eue à la frontière nord est qu'une fois que vous faites cela, il faut beaucoup de temps pour revenir à la situation qui avait cours avant des coupes.»