Des experts canadiens en défense voient d'un bon oeil la décision du président Donald Trump de créer une force spatiale aux États-Unis et le directeur d'un groupe de réflexion suggère même que le Canada devrait emboîter le pas aux Américains.

Matthew Overton, le directeur principal de la Conférence des Associations de Défense, croit que le gouvernement canadien aurait avantage à songer à une force spatiale, car selon lui, il faut penser l'espace comme une « entité distincte qui mérite de l'attention et de l'expertise ».

Mais ce n'est pas quelque chose qui peut être fait immédiatement, a-t-il reconnu. Selon lui, le Canada devrait d'abord instaurer un centre d'excellence sur les connaissances spatiales.

Le mois dernier, Donald Trump a fait un premier pas vers une force spatiale lorsqu'il a signé un décret pour ordonner la création d'un commandement spatial américain, qui regroupe les unités liées à l'espace de tous les services militaires au sein d'une organisation coordonnée et indépendante.

Cette décision survient alors que plusieurs craignent que la Chine et la Russie travaillent à trouver des moyens de perturber, de désactiver ou même de détruire des satellites américains.

L'armée de l'air américaine dirige un commandement de l'espace depuis 1982 et a pour mission « de fournir à la force aérienne des capacités spatiales résilientes, défendables et abordables ». Il exploite également le mystérieux avion spatial X-37B, un véhicule d'essai orbital. L'avion sans pilote a déjà effectué quatre missions clandestines, transportant des charges utiles classifiées sur des vols de longue durée.

Une unité spatiale au Canada

Matthew Overton, qui a servi 39 ans dans les Forces armées canadiennes, a rappelé que l'Aviation royale canadienne avait déjà une unité spatiale, qui est dirigée par le brigadier général Kevin Whale. Sa mission est de « maintenir la surveillance du domaine de l'espace et de développer, livrer et assurer des capacités spatiales », a indiqué un porte-parole par courriel.

Selon M. Overton, établir une force spatiale américaine est sensé, mais il s'attend à des tensions lorsque la nouvelle entité se mettra au travail avec d'autres branches de l'armée. Il a donné l'exemple du réseau GPS, qui est crucial pour les forces terrestres, aériennes et maritimes, mais qui pourrait aussi devenir une responsabilité de la force spatiale.

« Quelle est la relation avec les autres forces ? Comment cette dynamique fonctionnera ? », s'est-il demandé.

Wayne Ellis, qui a été dans l'armée pendant 20 ans, croit lui aussi que les Américains ont pris une bonne décision.

« Je pense qu'il y a suffisamment d'activité et d'activités potentielles pour concentrer les ressources dans ce domaine, qui mérite probablement une séparation des forces aériennes », a déclaré en entrevue M. Ellis, un ancien président de la Société spatiale canadienne.

« Peut-être qu'il y a maintenant une bonne occasion d'envisager une branche totalement séparée - du moins pour les États-Unis. »

Il a souligné que les militaires canadiens travaillaient aux côtés de l'armée américaine depuis des décennies. « Un grand nombre de ces postes sont en réalité des postes liés à l'espace dans différentes bases, alors à un moment donné, notre personnel affecté interagira avec la force spatiale américaine au fur et à mesure de sa mise en place », a-t-il expliqué.

Un espace militaire ou pacifiste ?

James Bezan, le porte-parole conservateur de la défense, souhaite avoir plus de détails sur les capacités spatiales envisagées par les Américains.

« Pour le Canada, je crois que nous devons regarder cela et voir comment cela évolue », a-t-il déclaré.

Avant que le Canada envisage de créer sa propre force spatiale, a-t-il ajouté, il devrait se concentrer à rendre le NORAD - le commandement bilatéral de la défense aérospatiale nord-américaine - plus efficace.

« Je pense que toute coopération que nous entretenons avec les États-Unis dans le cadre de la défense nord-américaine et de l'aérospatiale devrait faire partie des discussions du NORAD », a-t-il soutenu.

Randall Garrison, le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, critique le plan des Américains.

« Les néo-démocrates sont fondamentalement opposés à la militarisation de l'espace et sont convaincus qu'il ne devrait être utilisé par l'humanité entière qu'à des fins pacifiques », a-t-il écrit dans un courriel.

M. Overton a souligné que l'espace était exploité depuis longtemps à des fins militaires et qu'il était impossible de l'éviter.

Le bureau du ministre de la Défense a déclaré dans un communiqué que « les capacités spatiales sont devenues essentielles pour les opérations du Canada au pays et à l'étranger. »

« C'est pourquoi la politique de défense du Canada [...] s'engage à investir dans un éventail de capacités spatiales telles que les communications par satellite, pour aider à atteindre une couverture mondiale, y compris dans l'Arctique. »

Le communiqué poursuit en disant que le « Canada continuera à promouvoir l'utilisation pacifique de l'espace et à jouer un rôle de premier plan dans l'établissement de normes internationales en matière de comportement responsable dans l'espace ».