(Calgary) Les récents mouvements sécessionnistes dans le monde offrent peu d’exemples encourageants aux Albertains ou aux Saskatchewanais qui souhaitent transformer leur province en pays indépendant, selon des experts de la question.

Le « Wexit » — un jeu de mots apparent avec le « Brexit » — est apparu dans le lexique politique canadien, signe des tensions entre l’Ouest canadien et le gouvernement central.

Ce fossé apparent s’est creusé un peu plus à la suite des élections fédérales d’octobre lorsque les libéraux ont été reportés au pouvoir de façon minoritaire, même s’ils ont été balayés en Alberta et en Saskatchewan.

Paul Hamilton, politologue à l’Université Brock, à St. Catharines, rappelle que les mouvements sécessionnistes naissent généralement des conflits ethniques historiques.

« Et puis il y a une autre catégorie de sécession, souvent le cheval de bataille de quelques personnes disposant d’une connexion internet, affirme-t-il. On agite cela comme un mouvement de protestation ou pour, franchement, faire une blague. »

Les griefs des Canadiens de l’Ouest reposent en grande sur la perception que le gouvernement fédéral s’oppose à l’exploitation des ressources pétrolières et gazières et sur la conviction que la région apporte une contribution démesurée à la Confédération.

Les indépendantistes de l’ouest veulent former leur propre parti politique, élire des députés et demander un référendum sur la question. Ils sont présents en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique.

Leur programme consiste à vouloir déclarer leur indépendance du Canada, de quitter le Commonwealth, d’élire un président et de s’aligner sur les politiques américaines. Ils veulent établir leur propre politique de défense, leurs propres forces policières et leur monnaie. Ils n’en précisent ni le coût ni la logistique.

« On peut toujours compter sur les sécessionnistes pour que cela paraisse facile. Mais c’est à ce moment-là qu’on s’aperçoit qu’ils ne sont pas sérieux, car c’est incroyablement compliqué », souligne M. Hamilton.

Des exemples

Le Texas — qui a formé son propre pays pendant neuf ans au XIXe siècle — a longtemps flirté avec l’idée de se séparer des États-Unis. Il existe un mouvement, créé en 2005, qui réclame un « État-nation indépendant et autonome, libre du contrôle des bureaucrates et de la classe politique à Washington ». Il pousse à un référendum sur « Texit ».

Selon un article récent paru dans le magazine The Atlantic, un Texas indépendant serait à la merci de sa part de la dette nationale de 22 milliards de dollars et d’une « transition fort coûteuse. »

Et ce n’est pas parce qu’une population vote pour l’indépendance que cela se produira automatiquement.

En 1933, l’Australie-Occidentale a vote pour devenir indépendante, mais la Grande-Bretagne a refusé que cela se produise.

Cas plus récent : la Catalogne. La région a voté en faveur de l’indépendance lors d’un référendum en 2017, mais le gouvernement espagnol a rejeté les résultats, prétendant que le processus était illégal. Des poursuites pénales ont été entreprises contre plusieurs dirigeants indépendantistes catalans, provoquant les récentes grandes manifestations.

Errol Mendes, un professeur de droit de l’Université d’Ottawa, dit que les partisans du Wexit devraient se rendre compte que le droit à l’indépendance unilatérale n’existe pas en vertu du droit canadien ou même international. « Le principal juge de tout cela, qu’on le veuille on non, c’est notre propre Cour suprême du Canada. »

En 1998, le plus haut tribunal du pays avait statué que le Québec pouvait négocier des conditions pour accéder à la souveraineté si un référendum comportant une question claire donnait une réponse nette.

« L’obligation de négocier de bonne foi avec le reste du Canada représenterait un énorme obstacle potentiellement insurmontable », juge M. Mendes.

Parfois, les séparations peuvent être amicales, comme en 1990 lorsque la République tchèque et la Slovaquie ont décidé de voguer chacun de son côté, mettant ainsi fin à l’existence de la Tchécoslovaquie.

« Est-ce que cela pourrait arriver pour l’Alberta ? Cela n’a aucune chance d’arriver », ajoute le professeur de droit.

Un nouvel État indépendant ne serait pas à l’abri des tensions sécessionnistes. M. Mendes rappelle notamment que les Premières Nations ont signé des traités avec la Couronne. Selon lui, le Wexit serait « une recette du chaos ».