(Ottawa) La Gendarmerie royale du Canada a remarqué dans ses rangs une plus grande tendance à vouloir gravir les échelons chez les hommes que les chez les femmes.

Mais une analyse comparative entre les sexes de son processus de sélection a révélé un problème : le corps policier n’acceptait les demandes de promotion qu’en septembre, en même temps que le début de l’année scolaire, ce qui compliquait la tâche de certains parents souhaitant postuler.

Plutôt que de laisser les mères se débrouiller avec cet échéancier pour le moins inopportun, la GRC s’est ajustée.

« Le processus de candidature a été revu pour permettre des soumissions à longueur d’année, explique la caporale Caroline Duval par courriel. Au cours de la période qui a suivi ce changement, nous avons constaté une augmentation de 12 % du nombre de candidatures féminines dans le processus. »

L’analyse comparative entre les sexes consiste à examiner comment une politique ou un programme pourrait affecter différemment les hommes et les femmes, tout en tenant compte d’autres facteurs tels que l’âge, l’origine ethnique, le fait de vivre avec un handicap, l’orientation sexuelle et le revenu.

Si l’analyse, idéalement réalisée en amont, révèle qu’un groupe subirait des impacts négatifs disproportionnés, alors les plans peuvent être révisés pour éviter, ou du moins minimiser, ces répercussions.

L’analyse comparative entre les sexes n’a rien de nouveau, mais elle retient davantage l’attention depuis que le gouvernement libéral de Justin Trudeau prône son adoption dans tous les ministères et organismes.

Dans les nouvelles lettres de mandat de ses ministres, Justin Trudeau a dit s’attendre à ce chacun applique l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), qui est le nom de l’approche particulière employée par Ottawa.

Les libéraux ont été critiqués pour l’accent qu’ils mettent sur l’ACS+, qui est entremêlée avec l’image féministe que Justin Trudeau souhaite projeter, considérée par certains comme une stratégie électoraliste.

Pourtant, des exemples concrets de mise en œuvre de l’analyse comparative au Canada et ailleurs dans le monde montrent qu’elle peut faire une réelle différence dans la vie des filles et des femmes — mais aussi des garçons et hommes.

Femmes et Égalité des genres Canada, autrefois connu en tant que ministère de la Condition féminine, offre depuis le début du mois une formation en ligne sur l’ACS+ à plus de 150 000 fonctionnaires, députés, sénateurs et membres du personnel parlementaire.

Ce module de formation en ligne encourage les analystes, ou toute personne préparant une proposition politique, à remettre en question leurs propres présupposés, y compris les biais implicites, de même que les idées préconçues qui pourraient se retrouver jusque dans les recherches et les données sur lesquelles ils s’appuient.

La formation relève par exemple que les femmes ont été largement exclues des recherches sur les maladies cardiaques et sur les commotions cérébrales, ce qui peut avoir une incidence sur l’identification des symptômes et le traitement recommandé. Les hommes, quant à eux, n’ont pas été pris en compte dans les recherches sur l’ostéoporose, malgré le fait que près du tiers des fractures à la hanche découlant cette maladie surviennent chez des patients masculins.

Le Canada s’est engagé à employer l’analyse comparative entre les sexes il y a déjà plusieurs années de cela, dans le cadre de la ratification de la Déclaration et du Programme d’action à la Quatrième conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995. Mais les résultats ont été mitigés.

Le rapport de la vérificatrice générale fédérale à l’automne 2015 concluait que les ministères et organismes utilisaient cette analyse de manière incomplète ou incohérente, voire pas du tout.

C’est en voie de changer, maintenant que tous doivent inclure une analyse comparative entre les sexes dans les propositions de budget, présentations au Conseil du Trésor et mémoires au Cabinet. Les libéraux ont également adopté une loi visant à enchâsser l’ACS+ tant dans l’élaboration du budget fédéral que dans l’évaluation de l’impact environnemental des nouveaux projets de ressources naturelles.

Davantage de formation et de meilleures données ont également rehaussé la qualité de l’analyse.

Des résultats intéressants

– La Garde côtière canadienne s’est récemment penchée sur la visibilité depuis ses bateaux de recherche et sauvetage et a découvert que la hauteur du tableau de bord sur le pont empêche les personnes de plus petite taille de bien voir par-dessus bord. La conception des nouveaux navires en tient dorénavant compte.

– Du côté d’Emploi et Développement social Canada, l’analyse comparative de la pauvreté chez les peuples autochtones a permis de constater que ceux qui vivent dans des collectivités éloignées et nordiques sont confrontés à différents obstacles lorsqu’il s’agit d’accéder aux avantages sociaux. L’ACS+ a également révélé que le fait d’assurer en personne des services de sensibilisation peut faire toute la différence. Le ministère a depuis élargi ses programmes de sensibilisation, en proposant par exemple un soutien pour remplir divers formulaires.

– L’Agence des services frontaliers du Canada a intégré l’analyse comparative entre les sexes dans la conception des bornes d’inspection primaire dans les aéroports. L’analyse a mis en lumière les impacts négatifs que peuvent avoir sur certains groupes les logiciels de reconnaissance faciale, que ce soit par un contrôle accru ou encore des retards. Pour leur épargner ces tracas, les bornes redirigent maintenant ceux dont la photo ne respecte pas un certain seuil de correspondance vers une inspection visuelle.